Dans une petite oasis, l'un des nombreux clans divisés des Kashavesh fait escale. Les tentes entourent ainsi le point d'eau où les bêtes s'abreuvent. Les enfants y cueillent quelques fruits ou arrachent les racines comestibles. Les serviteurs dépècent une créature du désert que le groupe à chasser. Les vieilles femmes tissent et aiguisent les lames. Une vie de nomade tout à fait classique dans le desert de Qalish. Parmi cette tribu de la lignée ancestrale de Kasha, le Tigre de la Lune, le shaykh Ibrahim, le chef, est dans la tête de sa femme. Quelques caravanes hors du clan des tigrés ont bénéficié de la protection moyennant finance ou faisant appel à la générosité pieuse des fils du désert.

Sous un soleil frappant, un groupe d'hommes-bêtes est posé. La jeunesse guerrière semble y avoir élu leur domaine. Certains se nettoient, d'autres pensent leurs blessures. Une jeune tigresse éborgné, des bandages partout sur les bras, sort de l'eau après s'être rafraîchit le visage. Un grand soupire, elle fixe l'un de ses cousins qui se gouffrent de dates, qu'une fille de servante lui a donné.

“Salim… tu n'es qu'un profiteur.
-Quoi? C'est un cadeau.
-Ne fais pas l'innocent. Le regard de cette fille en dit long sur ses intentions.
-Pff. Laissés moi tranquille.
-Arrête de bouffer ! Viens t'entraîner.
-Fais pas l'âne. Tu es encore blessé.
-Ce sont que des égratignures.”

Le jeune tigre se relève en inspirant profond. Un petit sourire enthousiaste se cache derrière son visage sérieux

“Comme d'habitude, Tareem ? Arme contre tes mains nues?
-Jamais cela ne changera.”

Les deux cousins commence ainsi à s'entraîner sous le regard habitué des autres.

D'un signe de tête, Eole remercie une tigresse lui servant une tasse chaude d'un thé aux senteurs puissantes. Depuis quelques jours, il séjourne au près de cette tribu Kashavesh. Jamais il n'aurait cru, il y de cela plusieurs dizaines d'année, qu'un jour il viendrait à boire calment au près des descendants de ceux que les ailés avaient combattu. Peut-être qu'au sein de cette tribu se trouve même l'enfant de celui qui a coupé les ailes d'Eole, le laissant pour mort au milieu du champs de bataille ? Pourtant, l'ancien général ne ressent ni rancune, ni amertume. Dans un long soupir, il apprécie le chaud breuvage et l'asile apporté par ce groupe.

Et alors qu'il finit sa tasse, le son des râles d'un combat lui parvient. Les bruits des coups, d'une lame découpant le vent en le faisant vibrer. « Cela se bagarre dans le coin » siffle alors le démon aux oreilles d'Eole. Il dépose alors la tasse sur le plateau lui faisant face avant de se redresser pour suivre le sens du vent tranché. Il tourne sa main, sentant les imperceptibles variations de l'air induites par cet affrontement sauvage.

Des pas maladroits, déséquilibrés, finissent pas mener un des jeunes combattants à se cogner le dos contre les jambes de l'ailé. Dans la surprise il se retourne, baissant sa lame. Face à lui, une jeune guerrière qui semble le battre sans difficulté. Les poings fièrement dressés. Un vent souffle alors plus fort, aidant l'enfant à reprendre appuie.

- « Tu devrais te détendre. Avec une arme contre un adversaire à main nue, tu as une meilleure allonge. »

Et alors que Eole tourne sa main au dessus de l'enfant, un vent puissant vient le repositionner face à la tigresse.

Les jeunes sont surpris de voir cet homme aux allures de mendiant venir sans crainte ni gêne vers eux. La jeunesse guerrière d'une tribu se rapproche assez dans leur attitude à la rudesse et à l'exclusion. Ce sont des adolescents après tout. Alors que certains cessent de se prélasser pour se regrouper au côté de Salim, les regard ne sont pas très amicaux envers cet inconnu. L'un dans une posture de défiance s'interpose.

“Tu crois que tu peux donner des conseils parce que tu peux faire quelques bourrasques, mécréant.”

Salim pousse un peu son jeune frère d'un revers de la main.

“Reste poli. Tout homme de pauvre condition mérite le respect. J'en prendrais compte, mon brave, mais quelle est donc votre hist…”

Bousculant l'épaule de ses cousins, la tigresse perce cet attroupement pour faire face à l'étranger. Ses yeux teintés de curiosité et d'attente, la jeune Kashavesh est chauffée à bloc pour tâter de l'élémentaliste. Les miraculés dont la maîtrise d'un élément leur est donné sont de plus en plus rares, ce qui explique que, dans sa tribu, seuls des récits sur ses surhommes circulent sans s'y être réellement confronté.

“Un porteur d'œil divin. Affronte-moi ! Je n'ai pas encore eu le plaisir de me mesurer à la force des éléments eux-mêmes.
-Tareem, pas encore…
-Quoi? Ne le sous-estime pas, il a le regard de quelqu'un ayant vécu le champ de bataille.
-Tu as dit la même chose pour l'autre voyageur.
-Là, j'en suis sûr. Alors, le mendiant, un combat amicale ?”

La jeune Tareem est en train d'élaborer sa technique de combat à main nue, comme son ancêtre mythique Kasha. Mais, elle ne peut se mesurer qu'avec des monstres ou des lames, et quelques magiciens. Il lui faut tester son art sur un tout autre type de combattant. Cette rencontre est une opportunité inespéré.

"Je ne pense pas qu'ils nous prennent au sérieux." Souffle l'esprit du vent au travers d'une douce brise. Eole soupire alors, l'agressivité de ces enfants ne le surprend pas mais le déçoit. Pourquoi les tigres se montrent-ils toujours aussi agressif ? Il peut dire la même chose de sa propre tribu mais sans aile et les plumes couvertes, il est difficile de lui reconnaitre une appartenance. Alors il cherche à apprendre d'autres moyens que la virulence pour répondre. Cependant, ce n'est pas chez ces félins qu'il en trouvera.

- "Je comprends assez mal la raison de ces critiques. Les insultes t'aident-elles à éviter de penser que tu n'as aucune chance ?"

Un sourire se dessine sur son visage alors qu'il se dresse devant la jeune tigre, une main dans le dos. Loin d'être un possesseur d'œil divin, il cohabite depuis des années avec un confrère maitre de l'air. Sa maitrise n'est donc plus à prouver, ni même son expérience de combat. Il ne doute pas de sa victoire et son ego le pousse à écraser l'enfant d'un seul coup. Mais il n'en fait rien. Il positionne ses mains, appelle le vent et attend. Un puissant souffle entour les combattants, secouant le pelage des hommes-bêtes.

- "On ne peut pas frapper le vent. Mais lui en revanche ..."

Puis d'un coup vers l'avant, il invite l'air à prendre une unique direction. Le souffle, précis et puissant, vient cogner l'abdomen de la jeune guerrière et la repousser un mètre plus loin.

En un instant, quelque chose d'invisible écrase le bide de Tareem, lui coupant le souffle. Propulsant sur plusieurs mètres en rebondissant violemment sur le sol et la broussaille, la tigresse finit, le corps plongeant, au milieu de l'étang. Les jeunes témoins de cette scène restent bouche-bée. Certains semblent reculer d'un pas, méfiants, le poil hérissé. D'autres fixent avec inquiétude la surface du point d'eau où leur cousine. Un silence et un calme lourd s'installent aux alentours. Seul Salim laisse transparaître plus d'intérêt que d'inquiétude.

Subitement, sortant des flots, dégoulinante, Tareem prend une profonde inspiration. Reprenant petit à petit le contrôle de sa respiration, elle sort progressivement de l'eau avec un mince sourire.

“Tu vois, Salim, il est balèze.”

Son cousin s'assied pour profiter donc du spectacle en soufflant du nez. La fille de Kasha passe sa main sur ses cheveux pour dégager ses yeux des mèches genantes. Son regard perçant, sa posture s'incline un peu plus vers le sol, relevant une aura plus bestiale. Les oreilles frémissent pour se délester de quelques gouttes. Elle compte bien trouver une parade pour détecter ses attaques. Son ouïe et son sens du toucher sont les deux possibilités pour repérer les irrégularités.

Gonflée à bloc, la tigresse se rue subitement à toute allure vers son adversaire. Pour tromper l'élémentaire, elle feinte. Déviant sa course à un moment propice, Tareem se décale d'un côté pour bondir sur le flanc du mendiant.

L'agilité et la vitesse de la combattante n'est pas à démontrer. Eole suit du regard ses mouvements, mais également les yeux félins feintant et cherchant l'ouverture. Elle est jeune. Il se doutait que bientôt elle rentrerait elle aussi dans les nombreux conflits entre son clan et la tribut du vent. Ou peut-être est-ce déjà le cas ?

"Tu es distrait." râle le démon en lui. Alors qu'il pense au destin de l'enfant, cette dernière lui a sauté au flan. Eole n'a pas bronché alors un immense courant d'air turquoise, dessinant un dragon serpentoïde, est venu repousser l'adversaire en entourant le corps du désigné mendiant.

[Je termine mon poste plus tard :3]