[ACUPUNCTEUR] (
[POINGS DU SAGE]
[ARME DE HAUTE-QUALITÉ]
Après avoir écouté attentivement ses paroles, j’ai essayé de lui faire comprendre l’étrange équilibre que je lui demandais de maintenir. Celui d’une personne capable de se salir les mains quand nécessaire, mais qui ne voit pas la vie humaine comme simplement une teinte rouge salissant ses vêtements. Chaque personne a le droit de vivre, mais chaque rêve mérite qu’on se batte pour lui. C’est pourquoi, si tu dois ôter des vies, ne prends que celles qui sont strictement nécessaires. Et cela… C’est un savoir qui s’acquiert par l’expérience… La seule chose que je peux enseigner, c’est de rester vigilant pour saisir ces opportunités.
Je l’ai aidée à se relever tout en l’écoutant se justifier, affirmant qu’elle ne s’était pas blessée toute seule… Était-elle fière de cela ? Une épéiste aussi remarquable qu’elle ? Je ne saurai jamais si elle est aveugle à cela ou si elle est simplement trop modeste. Je ris un peu en me rappelant précisément cette fameuse aventure : sa charge droite contre la cloison, et le lendemain matin avec sa bosse. Je lui réponds en plaisantant, en commençant à dénouer le bandage.
- « Tu t’es déjà blessée de nombreuses fois, mais je ne pourrais dire quand était la dernière fois… Mais une chose est sûre, cette nouvelle blessure n’est pas survenue toute seule. » Je ris légèrement en me grattant le menton, essayant de me souvenir de sa dernière blessure pendant nos entraînements. « Tu es sûre que ta dernière blessure ne vient pas de quand tu as essayé de marcher sur le tranchant de ma lame pour l’arrêter au sol et que tu as fini par te couper la plante du pied ? Ce n’était pas profond, mais tu semblais bien ressentir la douleur, si mon souvenir est bon. »
J’hésitais presque à la féliciter pour cela, mais… Non, elle me respecte tellement. Si elle apprenait que je l’ai blessée par panique, elle perdrait confiance en moi. Je sais bien qu’avec sa foudre et son habileté à l’épée, elle pourrait me vaincre aisément. Son art martial dépasse le mien… Je peux juste essayer de lui transmettre autant de mon savoir que possible.
Alors que je me mets à genoux pour soigner sa blessure, je remarque rapidement sa réaction timide. Elle est encore aussi réservée ? Surtout envers moi ? Elle devrait savoir que je la considère comme une membre de ma famille. Et je doute que sa timidité soit due à des sentiments envers moi… C’est simplement qu’elle est toujours pudique malgré son âge… Ahhh… C’est vrai qu’elle n’est ni une soldate ni une mercenaire. Je suppose que c’est normal. Et c’est bien ainsi.
- « Tu n’as pas à être aussi timide, Mangetsu. Une blessure ne devrait en aucun cas être dissimulée par la pudeur. Tes mentors te diront qu'il serait dommage que ta jeune peau porte une vilaine cicatrice… » Je termine de panser sa blessure, m'assurant que le bandage est bien en place. « Pour ma part, je te dirais seulement de prendre soin de ton corps après chaque entraînement et chaque bataille. Il ne faut pas attendre d'avoir une cicatrice pour retenir une leçon. Tu apprends suffisamment vite sans avoir besoin de laisser des traces. »
Renouer par le dialogue
A l’écho de ses propres déclarations, la noble se révèle troublée. Elle sait, plus que quiconque, que son instructeur est guidé dans le mercenariat par une volonté beaucoup plus noble que la richesse matérielle. Est-il encore en conflit avec lui-même pour l’acceptation des meurtres évoqués ? Pire, aurait-il pris pour lui le terme sauvage employé par sa jeune élève ? Cette dernière s’en trouve pour le moins interloquée. Ses mots ont peut-être été durs, mais il lui paraît instinctif que le wyvérien face a elle soit exclu de cette considération peu recommandable. Qu’il s’agisse de l’homme ou du maître, Sakuya accorde beaucoup trop de respect a ces deux entités pour les injurier de la sorte. D’humeur étrangère a la querelle, son étonnement muera rapidement en un mutisme de connivence. Elle regretterait de toute manière de devoir le rectifier ou même d’avoir a élever la voix en sa présence.
Mangetsu
« Je crois que mon esprit avait sciemment choisi d’oublier cette blessure-ci. J’avais lu ce procédé dans une des œuvres rédigées par ma mère et je me souviens l’avoir trouvé épatant. Ce que j’ai surtout appris ce jour-là c’est que la réalité est moins fabuleuse que la fiction.. »
La gêne présente sur son visage provenait autant de ce souvenir embarrassant que de sa présente vulnérabilité. Ce n’est qu’une fois sa blessure pansée que les traits de la demoiselle retrouveraient une apparente insouciance, en dépit de la grièveté de ses pensées. Les dires de son aîné avaient presque de quoi la faire sourire. Elle ne les collectionnait pas comme des trophées a l’instar de certains Premiers-Hommes, mais l’encrage de son échine a lui seul constituait une cicatrice dont elle veillait chaque jour a retenir la leçon. Les autres marques sur le corps de la jeune femme étaient elles aussi dues a des erreurs, de son propre fait contrairement a ses tatouages. Le wyvérien soupçonne d’ailleurs sans doute l’existence de celles dont il est a l’origine. En revanche, pour ces dernière leur emplacement fait qu’il n’a jusqu’alors jamais pu les panser lui-même. Comme aucun autre ne l’a jamais fait d’ailleurs. Ce bandage qu’il vient de réaliser est donc un privilège que lui accorde la jeune Princesse. Non pas que sa fierté la pousse a considérer l’acte de la soigner comme un honneur, seulement qu’elle considère ne pas avoir a se dévoiler et embarrasser les autres de ses propres blessures.
Mangetsu
« Vous savez très bien que cette pudeur m’est instinctive. Dame Sayuri me répétait toujours que je ne devrais me dévoiler que face au prétendant que je choisirai. Cela, c’est la voie de la cour.. celle des armes est différente. Cette proximité dépourvue d’ambiguïté, c’est quelque chose que je n’expérimente qu’auprès de mes subalternes. Pourtant, certains d’entre eux apprécieraient fortement me voir sous un autre prisme que celui de leur responsable. C’est peut-être pour cela que je n’arrive pas à totalement dissocier ces deux considérations, alors même que je sais que rien de tel ne vous anime a mon égard. »
Souffle la bretteuse, visiblement songeuse, alors qu’elle en vient subitement a fixer son professeur d’un regard inhabituellement grave.
Mangetsu
« Vous savez pourquoi vous combattez, et également pourquoi vos mains sont tâchées de sang...mais en ce qui vous concerne, que faudra-t-il pour que vous rengainiez définitivement votre katana ? C’est égoïste de ma part, mais je dois admettre qu’il me tarde de vous voir retrouver la sécurité d’une vie paisible. Pouvoir écarter la perspective de votre décès soudain de mes pensées est un des rêves que j’aspire a rendre réel. »
Et dans l’optique de poursuivre la confession, elle brandira fièrement l’emblème de lys-araignée lié a sa véritable identité. De cette manière, l’homme-bête comprendrait la portée de sa prochaine annonce.
Mangetsu
« Tant que nous parlons de mes rêves. Vous avez eu vent de la prochaine visite des Sœurs des Glaces dans l’usine du Prince Sosuke ? Certains locaux triés sur le volet seront conviés, au même titre que des notables d’Halogia. Je ne sais pas ce que cela cache, mais mon mauvais pressentiment me pousse moi-même a vouloir me joindre a cette assemblée… bien sûr, ma visite sera emplie de courtoisie. Je n’ai pas encore les soutiens espérés mais je n’ai que trop dormi dans l’ombre. Et je ne peux pas me permettre de laisser un ennemi s’acoquiner avec une puissance étrangère. »
Le sourire affiché par la demoiselle tranchait nettement avec le sérieux de son annonce. Indirectement, elle avait émis le souhait de voir son interlocuteur partager le gâchis des festivités avec elle. Pour peu que l’homme mûr soit aussi audacieux que la jeune tête brûlée. Cette dernière n'était pas fermée a entendre l'avis de son enseignant et pourtant, il apparaissait clairement que sa décision, si folle soit elle, était déjà scellée.
[ACUPUNCTEUR] (
[POINGS DU SAGE]
[ARME DE HAUTE-QUALITÉ]
Mangetsu m’informe donc qu’elle avait décidé d’oublier sa blessure, mais qu’elle avait retenu une certaine leçon. C’est bien elle ça. Elle pourrait oublier qui je suis, elle retiendrait quand même mes leçons. Admirable. Elle vient ensuite parler de sa pudeur, disant qu’elle doit seulement se dévoiler face à celui qu’elle choisira. Oooh, j’oubliais que Sayuri était une romantique. C’est mieux ainsi. Et puis, je ne voudrais pas qu’elle se dévoile devant n’importe qui non plus.
La voie de la cour et celle des armes. Belle façon de présenter la chose. Je finis correctement le bandage, m’assurant qu’il tiendra bien avant de m’asseoir face à elle. Il est vrai qu’elle doit jongler entre les deux, la pauvre. La voir sous un autre prisme que leur responsable… Ahhh, Sakuya, pourquoi t’exprimes-tu de façon si compliquée… J’imagine qu’elle veut dire que ses subalternes aimeraient la voir comme une amie ? Ou quelque chose de similaire ? Rien de tel ne m’anime. Elle me perd encore avec ses mots. Peut-être qu’elle pense que je ne souhaite pas me rapprocher d’elle… Si elle n’était pas l’enfant que mon seigneur m’avait demandé de protéger, j’aurais aimé me rapprocher d’elle, partager un verre, échanger des coups au combat, apprendre à mieux me battre avec elle… La voir comme mon égale. Malheureusement, je ne pouvais pas avoir d’autres sentiments que celui de son mentor et protecteur.
C’est alors qu’elle me fixe d’un regard fort sérieux, se demandant encore pourquoi je combats, pourquoi je me salis les mains. Sa question cependant fut choquante. Que faudrait-il pour que je décide d’arrêter de me battre… d’arrêter de continuer sur cette route ? La vérité est que je ne comptais jamais m’arrêter. Que je finirais un jour tué par une lame. Et que j’ai accepté mon sort depuis trop longtemps. Je ne me suis donc jamais posé la question. La jeune demoiselle souhaitait me voir être à l’abri, me reposant et menant une vie paisible, comme si elle comprenait tout ce que j’ai vécu. Comme si elle savait ma souffrance. Elle avait peur de me voir mourir. Simplement.
Elle finit par annoncer une chose plus sérieuse. Elle me parle de la prochaine visite des Sœurs de Glace. Une visite que le Lotus Noir avait sous l’œil. J’ai même arrangé les choses pour pouvoir y être invité sous le nom de Kai. C’était risqué, mais il est toujours mieux d’avoir un agent sur le terrain qu’en dehors. Inquiète des actions des Princes, Sakuya a décidé de se rendre là-bas pour y jeter un œil, une simple visite de courtoisie. Parfait, au moins je serai là en cas de souci. « Oh vraiment… C’est une bonne chose que j’ai été choisi par les locaux, on dirait. Je tâcherai de me distancier de vous lors de cette réunion afin de vous laisser agir à votre guise… Mais si ça dégénère, rappelez-vous que je suis un mercenaire. Donnez un prix suffisant et je serai à vos côtés sans hésitation. » J’acquiesce, lui faisant comprendre qu’elle avait carte blanche durant cet événement malgré ma présence, mais que si la situation venait à se dégrader, le mercenaire que je suis n’hésiterait pas à la rejoindre pour l’aider. Moyennant finance. Je lui faisais confiance pour cette réunion et les choix qu’elle ferait. Ce n’était pas à moi de décider à sa place après tout. Seulement la protéger.
- « Et pour ce qui est de ranger mon katana… Je ne sais pas. Probablement si je sais que vous serez correctement protégée et entourée pour le restant de vos jours et que ma famille se portera bien sans moi… Ou tomber amoureux ? Malgré mon âge, je n’ai jamais connu l’amour après tout. » Je lui réponds alors sur un ton assez léger et amusé, souriant à pleines dents, sachant très bien qu’elle ne s’attendait absolument pas à une réponse du genre de ma part. Un peu de légèreté dans cette discussion lui fera du bien. J'aurais pu lui dire que tout le monde meurt un jour... Mais ce n'est pas le moment. Très clairement.
Renouer par le dialogue
Qu’espérait l’élève, alors qu’elle annonçait à son tuteur se jeter prochainement droit dans la gueule du loup ? Kubera aurait certainement fait en sorte d’être invité quoiqu’il en coûte. Ce qui fit maugréer l’héritière fut la non acceptation de ce hasard unissant leurs routes face à un danger qu’elle aurait souhaité confronter seule. Se sentir forcée de coopérer avec un être cher, particulièrement quand elle venait d’émettre un désir contraire, lui était ici particulièrement amer. Mais elle connaissait suffisamment le Wyvérien pour savoir qu’argumenter était inutile, il ne changerait pas d’avis. D’autant que la demoiselle lui devait un certain respect et que l’infantiliser de la sorte serait indigne de cette notion dont elle devait justement se détacher elle-même. Ses pensées n’auraient de toute manière aucun loisir de se morfondre sur le pire qu’il puisse arriver, puisque le mercenaire fit une déclaration qui grava une surprise visible sur les traits de la bretteuse. Sakuya marqua un temps de silence, nécessaire pour qu’elle comprenne le ton sérieux de ce qu’elle avait imaginé être une blague.
Mangetsu
« Vous manquez donc a ce point d’attache au monde matériel pour risquer votre enveloppe si inconsciemment ? Je sais qu’il s’agit là du souhait de mon père, mais vous pourriez considérer votre sérénité par un autre angle que celui reflétant la mienne. Oh ! Vous me donnez une idée. Si notre éternel me permets un jour de regagner mon trône et mes sujets, je ferai en sorte de vous octroyer la main de la plus belle femme de l’archipel. Ou de celle qui aura su enchaîner votre cœur a cet instant. Ainsi, le devoir conjugal vous forcera a vous ranger et nous aurons tous deux ce que nous souhaitons. »
De l’innocente malice présente dans son rictus, la noble montrait toute son espièglerie. Ce n’était peut-être pas le choix de vie qu’aurait fait le Lotus Noir, mais sa fonction rendait difficile le fait de refuser ce qui apparaissait comme une récompense de l’enfant shogunale.
Mangetsu
« En revanche, je crains que vous ranger a mes côtés face au suzerain Sosuke ne soit un risque décuplant le prix que vous demanderez. N’allez pas me ruiner avec votre propre témérité ! »
Souffle-t-elle, amusée, verrouillant ses iris pourpre dans les miroirs spirituels de son instructeur. C’est a cet instant qu’un écho la força a détourner le regard vers l’entrée de sa chambrine, a laquelle on venait une nouvelle fois de s’annoncer. Comme si ce signal l’avait ramenée a la réalité de ses obligations, la princesse se questionna a voix haute sur l’emplacement de sa propre tête égarée. A son grand regret, il lui faudrait écourter ces retrouvailles pour une entrevue avec son suzerain sur l’exact même sujet que venaient d’évoquer les deux nostalgiques de l’ancienne ère. La jeune insulaire dissimulerait alors son insigne dans ses atours, avant de guider son invité vers la sortie.
Mangetsu
« J’avais oublié que mon Prince m’avait convoqué pour une affaire de politique interne.. permettez moi de vous raccompagner jusqu’à la sortie, messire Kai. »
L’homme-bête aurait certainement du mal a ne pas accéder a une requête amicale, surtout lorsque cette dernière est appuyée d’un regard lourdement supplicateur. La demoiselle ouvrirait donc la route jusqu’à la sortie du palais, congédiant humblement la messagère trouble-fête afin d’escorter le mercenaire dûment. L’heure se faisant un peu moins matinale, l’activité du lieu s’était considérablement renforcée, devenant alternance entre serviteurs dévoués et protecteurs armés. La présence d’un parfait inconnu aurait pu mettre ces derniers en alerte s’il n’était pas précédé de la femme a qui tous obéissaient sur ordre de la Tête a qui ils ont juré fidélité. Cette promenade mènerait le binôme a travers des couloirs décorés ça et là de peintures dont l’œil averti du Wyvérien pourrait a présent reconnaître la peintre par son style. Une façon pour elle de s’approprier un lieu de règne qui devrait lui revenir. Eiji soupçonne-t-il seulement que sa plus proche collaboratrice puisse un jour usurper sa position ? La dévotion et l’innocence qu’elle tâche d’afficher depuis toujours ont sans doute dissipé ces craintes dans l’esprit du Prince. Kubera vient pourtant de lui montrer que cette application est contre-productive pour sa propre croissance. Plutôt que de se perdre en conjectures face a la porte d’entrée du palais, la demoiselle choisit de l’ouvrir pour s’extirper du bâtiment la première. Une dernière fois, elle souhaite pouvoir parler naturellement avant de revêtir son masque de nouveau. Une dernière fois, elle aspire a saluer son professeur en tant que Princesse et non comme garde Princière. C’est pour cela qu’elle se permettra même de saisir une de ses mains endurcies par la pratique, afin de capter de nouveau son regard et de pouvoir s’exprimer a voix basse. Ces murs, plus que les autres, ont des oreilles qu’elle ne doit pas renseigner après tout.
Mangetsu
« Nous nous reverrons donc pour ce sommet. Tâchez de veiller sur vous avant tout, messire Kai. »