Lumière sur les interlopes
Voilà quelques jours qu’un navire Kuroïte mouille sur le quai de Vassago. Pour peu que l’on y prête attention, les quelques marins aux traits fins semblent plus préoccupés que satisfaits de leur séjour. Pour cause, le trou béant dans la coque du bateau indique à lui seul qu’ils ne reprendront pas la mer de si tôt. Et la plupart de ces hommes s’inquiètent donc de devoir justifier leur absence auprès de l’homme bénéficiant de leur allégeance. Tous ne l’ont peut être pas fait avec le même enthousiasme, mais l’équipage qu’ils constituent est indiscutablement loyal au Prince-Marchand qui récompense grassement leurs bons et loyaux services. Tous… ou presque.
La demoiselle qui humait l’air marin jusqu’à il y a peu constitue peut-être une exception confirmant cette règle générale. Bien sûr, la réparation du navire la préoccupe autant que ses pairs. Bien évidemment qu’elle prendra la parole, au nom de ses subalternes, face au Prince qu’elle sert à leur instar. Mais si elle le considère encore en supérieur, Sakuya entends bien ramener son cousin au rang de vassal qu’il occupait autrefois. Hélas, demeurer en Vassago ne lui permettrait en rien de nourrir le moindre objectif inhérent à ce plan relevant d’un intérêt personnel.
Pour ce qui est de ses objectifs bénéficiant à autrui, en revanche, il est de notoriété publique que la piraterie est une épine dans la croissance économique de l’archipel. Et puisque l’ancienne carrière du Seigneur local est un secret de polichinelle, le doute est permis quand à l’effectif réel de la flotte qu’il commande. C’est en tout cas ainsi que la princesse sans trône perçoit la chose. De plus, elle n’est pas sans savoir que certains forbans sont employés par les rivaux des Fujiwara afin de leur nuire et de se nuire entre eux plus généralement. Son propre Prince ? La demoiselle aux cheveux de prune a jusque-là réussi, en jouant de sa persuasion, à le dissuader de recourir à telles méthodes. Cet accord inclut la nécessité pour Sakuya de préserver toute cargaison d’armes de la moindre agression, ou bien d’en punir elle-même les coupables de façon à montrer l’exemple.
Voilà donc pourquoi, après une ronde matinale de ses subalternes, la bugeisha s’est vue octroyée une raison de questionner les locaux de petite vertu. Pendant que ses hommes se reposaient et que la nuit régnait, il semble qu’une caisse de katanas se soit changée en tsukumogami et ait décidé de disparaître du pont ou elle était entreposée. Le peuple de Kuro est connu pour être partiellement animiste. La sang bleu ne déroge peut-être pas à cette règle, mais il lui fut difficile de croire à la thèse spirituelle quand une bouteille de rhum avait remplacé l’armement disparu. Bien sûr, la loi du silence est une des rares qui soit en vigueur dans la ville, mais l’équipage venu des îles ne compte pas reprendre la mer lésé.
Et si, tandis qu’elle se charge de résoudre cette affaire, la jeune fleur peut faire passer l’idée de jouer aux pirates à quelques marins, cela ne peut que bénéficier à l’archipel. Sa stature n’a peut-être rien d’intimidant, mais elle a entendu dire que le vol est puni de doigts sectionnés dans les équipages forbans. Si les coupables ne lui restituent pas ce qu’ils ont volé alors qu’elle demande gentiment, il y a bien un moyen, reposant à sa ceinture, qu’elle puisse utiliser pour appliquer le même genre de sentence.
Fort heureusement, elle ne devra pas abuser de cette pratique pour savoir ou chercher, puisqu’un de ses hommes aura eu vent de l’endroit exact ou se revendent généralement les biens dérobés sur les navires de passage. Une taverne de la basse-ville dont le patron n’a aucun scrupule à se faire receleur s’il bénéficie d’un petit intéressement sur la valeur des biens transitant par son échoppe. Voir une femme s’aventurer seule dans un lieu qui attire les malfamés parmi une population rustre, peut relever de l’inconscience. Mais quand bien même elle ne doive susciter d’incident diplomatique, l’orpheline sait qu’elle ne risque rien. Particulièrement quand elle remarque la désertification des rues pavées. Une fréquentation quasiment inexistante, qui n’a rien d’étonnant lorsque l’on remarque l’ahurissant nombre d’hommes en armes qui semblent examiner rues et ruelles au peigne fin.
Plusieurs d’entre eux tenteront d’ailleurs de faire rebrousser chemin à la Kuroïte armée, évoquant une opération en cours. La bretteuse peut comprendre, mais cela ne l’empêche pas de faire valoir sa propre raison de venir ici. Le soldat Meridien qui lui fait face à beau répéter qu’elle ne peut pas aller plus loin, elle finira tout de même par franchir ce mur corporel qui n’était pas infranchissable. Le militaire a-t-il seulement eu le choix, lorsque cette femme en kimono à réussi à subtiliser l’arme qu’un géant tenait pourtant entre ses mains, sans même que celui-ci ne remarque autre chose qu’une certaine tension parcourant ses doigts. Cette épée aura été examinée par la jeune princesse, qui la trouvera d’apparat et de finition moindre que sa lame impériale, décidant donc de la déposer sagement contre un mur afin de la restituer à son propriétaire.
Ainsi, Sakuya risque d’avoir suscité un certain émoi parmi les patrouilles qui se multiplient à mesure qu’elle s’enfonce dans cet endroit peu recommandable. Voilà alors la valeureuse qui choisit d’agir comme une fugitive. Discrétion naturelle et réflexes hors-normes sont mis à profit pour échapper aux gardes qui ne voient dans des pas feutrés que la faute d’un chat qui les regarde. L’inconvénient de cette approche est que l’itinéraire de la sang bleu se voit considérablement rallongé par des détours qu’elle ne maîtrise pas. Les ruelles les moins fréquentées d’Orochi et de Mizutsune lui servent à des entrevues tout aussi secrètes, mais elle ne connaît pas celles de Vassago. Ni aucune en Meridiem en vérité. Le constat s’impose donc rapidement : la voilà qui s’est perdue à force de s’écarter du trajet indiqué par son marin.
Pourtant, elle finira par remarquer un détail qui, s’il ne relève pas de l’objectif de sa venue, suscite tout de même son intérêt. Tapie dans l’obscurité d’une impasse qu’elle atteint, une silhouette dépasse grossièrement de la caisse lui servant à se cacher. Qui peut bien se cacher dans une voie sans issue, à la merci du moindre poursuivant, sinon quelqu’un qui sait qu’il ne sera pas vu ici ? Manque de chance pour cette personne, la Kuroïte l’ayant aperçu sera prise d’un éclair de naïveté. Elle a incontestablement forcé un périmètre dont elle ignore la raison de l’établissement et ainsi bafoué l’autorité de la caste militaire locale. Peut-être leur ramener un fugitif permettra de prouver sa bonne foi ? Pour peu que cet individu soit un de ceux recherchés. Il n’y a qu’un moyen pour l’orpheline d’en avoir le cœur net.
« Votre cachette n’est pas très efficiente. En sortirez vous seul ou bien dois-je vous y aider ? »
Avant cela, s’il était né ici, elle pouvait bien l’utiliser pour être menée à l’établissement qu’elle recherchait après tout.
POPULAIRE : V
AMI DES ANIMAUX
TALENTUEUX : I
ERUDIT
SORCIER
ABJURATEUR
MAÎTRE DES REMPARTS
ORBE DESTRUCTRICE
Lumière sur les Interlopes
Ce n'était là que pure folie. Une imprudence tout à la fois déraisonnable et affolante que son Père le Roi, ne manquerait pas de condamner avec tout ce qu'il possédait d'autorité. Pour autant, Adrian n'éprouvait pas le moindre remord. Bien au contraire, le demi-elfe et Prince héritier de Méridiem était tout bonnement ravi de se trouver ici, à semi dissimulé dans une caisse malodorante de Vassago. Un regard jeté à sa tenue aurait pourtant dû le contrarier. Sale et déchirée, sa cape avait perdu de son éclat immaculé, quelques boutons de son surcot brodé d'or avait sauté et la couture de son pantalon tissé de soie s'était ouverte pour bailler au-dessus de ses bottes de cuir lustré. A n'en pas douter, il avait l'allure débraillée et la mise désolée d'un gredin, mais le garnement né de son échappée improvisée n'avait pas l'intention de s'en soucier, quand il avait pour lui l'opportunité de savourer quelques instants de liberté.
C'est que l'aventure tenait de l'épopée et cela d'autant plus qu'elle pouvait se résumer très sobrement. Après tout, il n'était question que d'une promenade. Une simple sortie hors les murs du palais-prison qui voulait le garder confiné dans ses appartements. Mais bien évidemment, dès lors que ladite baguenaude concernait le Prince Héritier et son oeil divin, tout le monde voulait crier au drame. Et ainsi avait-on déployé tout un régiment d'une soldatesque clinquante pour les ramener - lui et son précieux don - à Rivellon.
Il les avait vu quitter la citadelle pour se porter à sa poursuite. Du haut de sa machine volante, il avait admiré leur déploiement tout en profitant de la vue que lui offrait son envolée à bord du prototype que son père et Dante avaient construit autrefois, lorsqu'il n'était encore qu'un nourrisson. Il n'avait jamais eu l'occasion de monter à bord de l'engin, quand bien même sa mimine potelée avait été trempée dans un peu de peinture pour décorer la coque de l'aéronef, au même titre que les mains nues des autres membres de sa famille. Il n'avait pas non plus eu l'occasion de le voir voler avant aujourd'hui. Le moins qu'Adrian pouvait alors en dire, c'est qu'il avait été tout à la fois surpris et excité de se retrouver dans les airs quand, mue par une audace toute inconsciente, il avait défait l'amarre qui gardait le prototype à quai.
Le rocambolesque de l'aventure voulait alors le laisser stupéfait, tandis qu'il voyait le palais s'éloigner au fur et à mesure de son ascension. Pour autant et malgré tout, l'euphorie l'avait très rapidement submergé. Ses doutes et ses craintes alors évaporées, il avait savouré chaque seconde de son périple arien, pendant que le vent s'engouffrait dans les mèches blondes de ses cheveux pour le décoiffer. L'horizon comme seul objectif, il avait rapidement oublié les gardes qui le poursuivaient et s'était même laissé aller à quelque rêverie. Un jour aurait-il l'occasion de découvrir le monde dans on entièreté. Cette certitude ancrée dans son esprit, le jeune prince se sentit même l'aplomb nécessaire pour narguer les soldats prêts à user leurs montures pour le rattraper. Ainsi s'était-il penché par-dessus le bastingage de l'aéronef pour les saluer et ainsi avait-il eu une idée de... génie ?
Les historiens prétendaient son oeil divin tout à la fois éminent et unique. Pour autant, Adrian n'était jamais parvenu à activer sa magie autrement que pour s'éclairer dans l'obscurité de la bibliothèque royale. L'idée d'un artefact surpuissant le laissait alors bien dubitatif, mais peut-être que s'il se concentrait suffisamment... Peut-être que s'il admettait n'avoir aucune limite... Peut-être que s'il s'osait à y croire lui aussi... Peut-être que...
Plus tard, sans aucun doute possible, quelques métayers affirmeraient avoir vu - ce jour là - une étrange lueur dans le ciel matinal de Méridiem. Plus tard, leur récit ajouterait à la rumeur qui auréolait d'ores et déjà l'histoire du Prince Héritier des Landes. Et plus tard, oublieraient-ils peut-être de mentionner le cri suraigu qui avait accompagné cet éclat soudain au-dessus des nuages.
... Mais en attendant, Adrian avait eu bien du mal à comprendre comment il s'était retrouvé étalé sans grâce à l'autre bout de l'aéronef, les pieds par-dessus la tête. Tout comme il avait eu du mal à réaliser comme le petit zeppelin filait à vive allure vers la cime d'une paire d'arbres décidément bien trop hauts.
Le choc, très heureusement, fut amorti par quelques feuillages bien touffus et cependant que le prototype volant s'accrochait dans les branches accueillantes d'un chêne assurément centenaire, le Prince découvrait les inconvénients d'un atterrissage pour le moins funambulesque. Le plus difficile fut néanmoins de quitter l'engin autrefois volant, pour désescalader l'arbre. Le demi-elfe y laissa partie de sa cape d'apparat et au moins deux de ses boutons de manchette. Sa chance n'en resta pas moins insolente, alors qu'il posait le pied à terre sans autre égratignure que les rares estafilades qui griffaient sa tempe droite. De là lui fallut-il quelques instants pour choisir une direction. Il avait repéré Vassago et sa baie depuis le ciel, mais n'avait en réalité aucune idée du chemin qu'il lui restait à parcourir pour atteindre la ville portuaire. Pourtant, ses bottes ne tardèrent pas à fouler les planches de bois qui faisaient les pontons des quais.
C'était comme il l'avait imaginé, mais en mieux ; la mer à perte de vue, des bateaux aux voiles colorées, des gens, du bruit, de l'agitation, des odeurs, des cris et... Des soldats. Oh oui... Des soldats... Des gardes et des sentinelles, tout un bataillon d'hommes d'armes qui se déployait pour obliger les habitants à déserter les rues de leur cité. Les ordres fusaient de part et d'autre des venelles bientôt vide de monde. Il n'était pas question que quelqu'un puisse empêcher le "sauvetage" du Prince Héritier.
Les ailes de son entrain soudainement coupées, Adrian réalisa le temps qui avait passé entre sa fugue (parce qu'ils ne manqueraient pas de l'appeler ainsi) et son arrivée ici. Il jura entre ses dents et s'employa à rapidement déguerpir. Prenant presque les jambes à son cou, il se rua dans un passage qui devait lui permettre d'échapper à un premier groupe de patrouilleurs. A l'instar d'un brigand sur le point d'être pris, il chercha une cachette dans laquelle se camoufler et s'y glissa malgré l'odeur rance qui s'en dégageait. Evidemment trop grand pour demeurer parfaitement dissimulé dans la pauvre caisse sur laquelle il avait jeté son dévolu, Adrian savait que quelqu'un finirait par le repérer. Sa surprise n'en fut pas moins feinte quand il releva les yeux vers la voix qui se prit à moquer sa planque.
Là où il s'était attendu à voir la face soulagée d'un garde royal, l'héritier du trône se prit à contempler le visage fin et délicat d'une jeune femme qui, de toute évidence, n'était pas méridienne. Une jeune femme au regard clair, dont les yeux mauves s'étaient très sévèrement posés sur lui pour le juger. C'était bien la première fois que quelqu'un le prenait d'aussi haut. Et ce constat le laissa coi, avant qu'un sursaut de fierté n'en vienne à aiguillonner son orgueil.
Se hissant sur ses jambes, Adrian se mit debout pour se dresser hors de la caisse tel un diable sorti de sa boîte. Il était évidemment plus grand qu'elle. Il la dépassait même d'une bonne tête. Reste que la demoiselle, une kuroïte à en juger par son apparence, ne parut pas prête à se laisser impressionner. Bien campée sur ses pieds, elle continuait même de le fixer. Alors prêt à lui dire sa pensée (ou plus probablement quelque chose de bien plus stupide), il ouvrit la bouche avant qu'un soldat cette fois-ci bien royal n'apparaisse au bout de la ruelle. Ce dernier se mit à crier et tout en courant dans leur direction, il appela ses collègues à le rejoindre.
"Ici ! Vite ! Une fripouille tente de kidnapper le Prince !"
Un rire nerveux et quelque peu trop aigu s'échappa des lèvres du demi-elfe.
"Par le Saint Père de l'Aube !" Une nouvelle fois il jura avant d'attraper le bras de l'étrangère pour l'entraîner derrière lui, cependant qu'il prenait la fuite.
Il tourna à droite, puis à gauche, sauta par-dessus quelques planches mal ordonnées sur le sol et trouva une nouvelle venelle dans laquelle se glisser à l'instant de croiser la route d'un autre barrage. Se plaquant contre le mur, il tendit le bras pour obliger sa complice improvisée à l'imiter, tandis qu'il la poussait contre la pierre froide d'une maisonnée. Une première unité de soldats passa sans les voir, mais un autre groupe de sentinelles ne tarda pas à faire irruption au bout de la petite rue qui s'achevait en cul-de-sac, Adrian s'en rendait finalement compte dans un râle presque plaintif. Deux options s'offraient alors à eux, se laisser capturer (de toute évidence, Adrian était contre) ou trouver une issue inédite au piège qui voulait se refermer sur eux.
Adrian releva les yeux vers les toitures reflétant le soleil, avant de baisser ses prunelles dorées vers la kuroïte. Un léger sourire se lova au coin de ses lèvres.
"Vous savez grimper ?"
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Ce n’est pas parce qu’elle a réussi à se jouer du périmètre de sécurité proclamé en Vassago que la jeune femme compte baisser sa garde en l’arpentant. Compte tenu des effectifs déployés par la garde royale, le malfrat recherché doit sans doute avoir dans son sillage une quantité de méfaits à même de faire pâlir les plus endurcis des êtres de Justice. Et même si ce n’est pas cet homme, dont Sakuya ne perçoit alors que la chevelure d’or peu soignée, sa vigilance demeure entière. Quelque soit sa raison de se cacher ici, il est au moins évident que le dissimulé souhaite se faire oublier des gardes locaux.
C’est pourtant armé de sa confiance en lui qu’il se redressera face à la Kuroïte dont la surprise est alors lisible sur ses traits fins. Elle qui a la chance d’être plutôt grande parmi son peuple se retrouve habituellement en capacité de converser avec les ressortissants Meridiens tout en observant ces derniers d’égal à égal. Or, celui que la Princesse considère fugitif semble au bas-mot être un elfe, tant il la surplombe gracieusement par son simple physique. Un bref instant de considération pour le contenant de bois laissa de plus la jeune fleur songeuse. Un sylvestre peut-il décemment se contorsionner à loisir afin de pouvoir demeurer dans une surface si moindre ? Par l’orgueil qu’il dégage en fixant l’exécutrice princière, le doute est aisément permis. La réalité des faits est pourtant là, rendant évident pour la bretteuse de parme l’acte d’avoir pu déceler sa présence dans une cachette de fortune proportionnellement inadaptée à l’individu.
Ce n’est pourtant pas ce détail qui retient son attention, alors qu’elle détaille visuellement le profil destinataire de sa requête. Sa coiffure est sale, aussi ordonnée que le théâtre d’un affrontement entre deux armées ennemies. Les vêtements que porte l’elfe, s’ils semblent tout aussi déguenillés, n’y trompent pas. Cuir comme textile l’habillant sont raffinés, très raffinés même selon les standards locaux. L’invraisemblable possibilité que le larcin soit un de ses méfaits ne traverse même pas les pensées candides de la native des îles. Son esprit prendra connaissance de la raison véritable de cet accoutrement avant d’avoir le temps de s’égarer dans les méandres de la supposition. La mauvaise nouvelle, c’est que cet état de fait sera clamé par un garde qui a réussi a retrouver leurs traces.
La vassale Fujiwara sait habituellement composer avec les hommes, soient-ils de pouvoir ou d’autorité. Mais se faire traiter de fripouille tandis que ses plus beaux atours printaniers sont revêtus n’est pas sans la vexer, particulièrement quand la simple valeur pécunière de son arme suffirait à fidéliser une centaine de gardes tels que celui qui leur coupait la retraite. Pire, celui qu’elle prenait pour un vagabond s’avérait être un prince… prince de quoi au juste ? La lame du Prince-Marchand Fujiwara s’est déjà rendue quelques fois en audience dans la Cour Meridienne, en compagnie de son seigneur. Pourtant, nulle familiarité n’émane du portrait peu enjôlé qu’offre l’elfe ayant été surpris dans sa fugue. Malgré tout, les traits du jeune homme sont trop autochtones pour qu’il s’agisse d’un dignitaire étranger. Voilà une étrangeté que son intelligence peine à rationaliser, tandis qu’elle s’emploie à trouver la meilleure manière de clarifier ce malentendu et donc, de désamorcer une situation capable de s’envenimer à tout instant.
Or, il semble que son regard d’étonnement envers le princier fugitif n’ait été mal compris de ce dernier. A aucun moment la Fleur de l’Archipel ne n’est acquittée de la demande d’être intégrée à cette fuite en avant. L’elfe n’avait cependant aucune intention de se rendre ici et allez savoir pourquoi il s’est dit que cette rencontre relevant du hasard ferait une bonne compagne de cavale. Ou plus exactement, que Sakuya constituerait un bagage à la convenance de l’héritier royal qui ne s’est pas privé de la traîner de force dans sa fuite cavalière. Contrainte de suivre l’elfe, la Kuroïte n’avait absolument pas la moindre idée de pourquoi elle était à son tour faite prisonnière, ni même de la destination qu’espérait atteindre le fuyard coupable d’un rapt de sang bleu étranger. Dans ce parcours qu’il semblait bien mieux maîtriser que l’étrangère, celle-ci fut forcée d’obtempérer durant sa réalisation. Et au terme de leur effrénée cavalcade, le Prince sans manière jugea de bon ton d’aggraver sa maladresse en maintenant de force sa camarade d’infortune dos au mur. Si l’adrénaline et l’empressement de la situation ont pu permettre à Sakuya de ne pas s’emporter lors de leur course en binôme, cette seconde contrainte n’était ni plus ni moins que la goutte d’eau faisant déborder le vase fleuri. La prude jeune femme, noble et anoblie de surcroit, n’allait certainement pas se laisser manipuler par un héritier Meridien, si précieux puisse-t-il être aux yeux de ses sujets qui déployaient d’impressionnants moyens pour lui remettre la main dessus.
Hélas, elle n’avait pas jugé bon de recourir à sa bénédiction pour faire de cet effort physique une promenade de santé. Ainsi, le besoin de retrouver une constante d’oxygène stable l’empêcha de protester immédiatement. Les dieux seuls savent quelle fulgurance allait s’abattre sur le cavalier personnage coupable du plus pur emportement au regard d’une femme venue de l’archipel, symbole d’une psychologie des plus humbles. Seulement, voilà que l’héritier et son homologue déchue sont de nouveau acculés par une patrouille ayant autorité pour ramener l’elfe en lieu sûr… et pour mettre la Kuroîte aux arrêts, si toutefois elle se résigne à ce sort. Il semble que les regards d’or et de prune se soient orientés de concert vers l’endroit le plus en hauteur leur étant accessible. Pourtant, avant tout événèment fâcheux, Sakuya exprime enfin la pensée ruminée depuis le début de cette drôle d’aventure. Et quand bien même son regard ne soit pas teint d’animosité primaire, l’éclat de ses pupilles souligne particulièrement le fait que tout cela aie incommodé la jeune demoiselle prude, chaste et affectionnant l’étiquette que le Prince a trouvé en sa personne.
« Manipulez-moi encore une fois comme un objet à votre disposition et ces gardes se désintéresseront de vous pour arrêter une femme coupable de lèse-majesté.
…
Tout bien réfléchi, n’envisagez pas cette possibilité. Grimpons. »
Il ne manquerait plus que l’intéressé songe effectivement à susciter cette motivation chez la fine lame. L’homme la connaissant comme Mangetsu serait bien interloqué d’apprendre qu’elle a giflé une figure princière pour un motif aussi trivial qu’un contact physique non-désiré. Eiji n’en serait néanmoins pas étonné puisqu’il a déjà été éconduit verbalement à de nombreuses reprises par une femme chez qui il était loin de soupçonner un tel aplomb. La bugeisha faisant face au Prince Héritier paraissait sans doute attachée à des valeurs d’un autre temps, aux yeux de ce dernier. L’heure de faire montre de sa capacité à prendre en main des situations présentes est pourtant arrivée. D’une célérité que sa menue silhouette ne suffit pas à expliquer, voilà que l’étrangère prend l’initiative de gagner de la hauteur afin de pouvoir scruter les horizons. Vers ou pouvait-elle fuir ? Sa méconnaissance totale des lieux limite fortement les options portées à sa connaissance. On devine à son regard, sans que sa voix n’ait à résonner, que la situation exerce une certaine contrariété sur son être. Les deux joyaux d’améthyste qui sertissent son visage se sont en effet mis à briller d’une lueur équivoque pour quiconque est au courant de l’existence des bénédictions les plus répandues sur l’archipel.
« Suivez.. moi. »
Bien sûr, le Prince natif n’ a pas attendu qu’elle mette en œuvre des connaissances locales inexistantes pour leur trouver un refuge. De l’allure employée par le jeune elfe, la bretteuse suppose néanmoins qu’il sait où est-ce qu’il doit se rendre. Le principal problème est que la patrouille restée au sol semble aussi disposer de cette information, puisque la multitude militaire prend de l’ampleur au gré des ardoises foulées par le binôme de sang bleu. Pour Sakuya, s’adapter à la cadence du jeune lumineux n’était pas vraiment un problème. Le souci taraudant son âme venait surtout du fait qu’où qu’ils aillent, ce trajet l’éloigne de son équipage demeuré à quai et donc de tout renfort potentiel. Non pas que la garde princière estime en avoir besoin… mais quelle justification trouverait-elle à cette escapade sans témoins pour appuyer son propos ? Si ce prince fuyard ne s’intéressait pas à la raison de sa venue ici, la Kuroïte sera bien en peine de justifier de sa recherche de lames perdues.
« Jusqu’ou allez vous fuir de la sorte ? J’ignorais que Meridiem connaissait des tensions entre sa Couronne et sa noblesse. Peut-être devriez vous m’éclairer. »
Dans un registre de justicière auto-proclamée, l’esprit de la demoiselle ne peut songer à autre explication pour justifier du comportement des gardes. La déclaration publique du soldat auparavant rencontré n’était certainement qu’une tentative absurde de justifier leur poursuite. Hélas, encore une fois… que ce soit sur son archipel ou sur le continent, la déshéritée ne peut agir en protectrice que de ceux attendant de sa part un tel comportement.
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L'espace d'un instant interdit, Adrian avait fixé la Kuroïte avant de pleinement réaliser qu'elle... le disputait ? Ses sourcils froncés au-dessus de ses yeux d'or, il n'avait alors rien trouvé à lui répondre. C'était bien la première fois de sa vie, que quelqu'un s'adressait à lui de la sorte. De manière agressive et presque virulemment, tandis qu'une menace était jetée à sa face stupéfaite. Un crime de lèse-majesté ? Le fils d'Aragoras en était resté coi. Elle l'avait grondé, comme s'il n'avait été qu'un enfant. Par le Saint Père de l'Aube, elle l'avait houspillé comme on gourmande un garnement et il n'avait pas même réagi. Pire encore, il s'en était amusé en la regardant grimper, avant qu'un nouveau cri des gardes ne le rappelle à l'ordre. Laissant alors sa fierté sur les pavés de la ruelle, il avait gagné les toits entuilés de la cité pour la rejoindre.
Ainsi perché, Adrian devait-il admettre que la situation tenait du plus évident rocambolesque. Cependant, si son amusement n'était pas feint, l'héritier meridien savait également les risques qu'il faisait encourir à sa complice forcée. Il espérait donc que cette dernière ne soit pas l'une de ces pirates que son père voulait contraindre. Tout comme il lui souhaitait de ne pas être une brigande ou une figure recherchée du port et de ses alentours. A l'inverse, l'idée qu'elle puisse être une espionne, une assassine ou une égorgeuse chargée de débarrasser le monde du porteur d'Astro ne lui traversa pas même l'esprit. Elle était pourtant armée, mais Adrian était bien trop naïf et sincère pour imaginer le mal ou la tromperie dans les êtres vivants.
Reste que s'il n'avait pas conscience des risques qu'il prenait ici de manière inconsidérée, il n'avait pas non plus la moindre idée de ce qu'il faisait. Il s'élança donc une nouvelle fois, sans tenir compte de la suggestion de sa voisine aux prunelles brasillantes. Courir était l'option évidente à privilégier, quand bien même il ignorait la direction à prendre. La manoeuvre n'en restait pas moins délicate. Avancer en funambule sur le faîtage des maisons accolées soumettait leur échappée au risque. Surtout quand en contrebas, gardes et milice locale s'organisaient pour trouver un moyen de récupérer le fuyard et sa prétendue ravisseuse. Plusieurs fois, sa botte glissa sur l'ardoise érodée par les embruns marins, mais il continua d'avancer jusqu'à n'avoir plus le choix.
Arrivé au bout de son parcours, Adrian se figea au-dessus du vide. La kuroïte n'avait eu aucun mal à le suivre, quand bien même elle s'osait à l'interroger sur sa destination. Jusqu'où envisageait-il de fuir ? Les Sept lui en soient témoins, il n'en avait pas la moindre idée ! Une profonde inspiration bomba son torse d'air cependant que son regard cherchait une échappatoire à gauche, puis à droite. Il s'accroupit, pendant que ses doigts ornementés d'un anneau d'or et d'une chevalière accrochaient un larmier de bois sculpté.
"Il n'existe aucune tension entre la Couronne meridienne et sa Noblesse. Tout ceci... Les gardes, la milice... Ne tient qu'à un léger malentendu. Un simple désaccord sur la définition d'un terme d'usage pourtant commun." Sa tête oscillait de part et d'autre du pignon qu'il surplombait. "Pour autant, il me faut vous accorder ce point qu'à Meridiem, royauté, noblesse, chevaliers et population toute entière se trouvent à cran depuis quelques mois."
Il se pencha par-dessus la rue et baissa finalement la tête pour très certainement fixer un point en contrebas. Ainsi incliné vers l'avant, Adrian laissa filer un temps de silence avant de se redresser. Visiblement ravi, il se tourna vers la Kuroïte et lança d'une voix trop enjouée. "Voilà ! Il va nous aider !" Son pouce pointa en direction d'un balconnet sur lequel s'étirait un chat de gouttière roux.
"Vous venez ?" Sans attendre la réponse de la kuroïte, le demi-elfe se laissa glisser jusqu'à atteindre le parapet de la petite méniane. Il enjamba sa pauvre balustrade et releva le nez vers sa comparse. "Je ne vous propose pas mon aide, puisqu'il me faut déjà vous présenter des excuses. Il s'inclina très brièvement. "Je n'avais pas l'intention de vous mettre mal à l'aise, mais j'ai entendu votre reproche." Un large sourire étira ses lèvres, tandis que ses doigts s'en allaient caresser le crâne du chat.
L'animal se mit à ronronner très bruyamment jusqu'à relever la tête en entendant le bruit de pas militaires se rapprocher. Il sauta sur ses pattes et très rapidement, se faufila entre les portes d'une fenêtre restée ouverte. Adrian le suivit sans la moindre hésitation, pénétrant dans une pièce au mobilier tout à la fois vétuste et poussiéreux. Il y avait là un bureau bancal, dont le pied avait été soulevé d'une cale noircie par la moisissure. Les murs suintaient d'humidité. A côté d'un coffre noyé sous les vêtements sales, trônait un chevet sans ornement. Plusieurs chaises entouraient un lit aux draps gris qu'un couple de pigeons avaient pris d'assaut. Des toiles d'araignée pendaient au plafond et au vieux lustre englué de cire. Un lourd parfum de rhum planait dans l'air.
Fronçant le nez, Adrian dodelina du chef avant de glisser un regard en direction du chat qui filait vers la porte. Sans savoir si la Kuroïte l'avait rejoint, l'héritier meridien se prit à expliquer à voix basse tout en emboitant le pas du félidé. "Le propriétaire de la maison est décédé il y a six mois. C'était un receleur. Luffy me dit qu'il y a une sortie dissimulée dans la cave. Une espèce de passage secret qui passe sous les maisons pour rejoindre le port."
Lumière sur les Interlopes
Au terme de ce numéro de funambulisme, la Princesse s’attendit à avoir des explications. Sur le motif justifiant la fuite du jeune blond, avant tout. Mais aussi et surtout sur la raison ayant poussé le métis sylvestre à embarquer une parfaite inconnue, étrangère qui plus est, dans sa mésaventure. Bénéficier d’une escorte ou d’une guide ne semblait pas préoccuper le chérubin, trop occupé à gambader sur les toits portuaires sans même se soucier de la bretteuse dont l’instinct la force à suivre ce drôle de fugitif. Rien de tout cela ne relève de ses affectations, mais Sakuya ne le quitterait plus d’une semelle tant qu’elle ne cernerait pas la sombre affaire dans laquelle la voilà qui trempe malgré elle. Les explications fournies ne faisant qu’épaissir ce mystère, le périple continuerait encore un temps.
En contrebas, les patrouilles se trouvaient bien en peine. L’on entendait la soldatesque réclamer de plusieurs voix le mandement d’une échelle ou de quelconque moyen ascensionnel. Quelques éléments du corps de garde tentèrent bien de gagner les toits par leurs propres moyens en attendant que la réquisition soit effective. Ce fut tout autant de duels que la bugeisha aurait pu avoir à livrer, si le moindre d’entre eux avait mené à bien leur entreprise collective. Hélas pour les chevaliers, le poids de leur armure complexifie l’exercice de grimpette. Aussi peut-on voir le premier essai se solder par la chute du preux sur le sol pavé. La deuxième, plus sonore et moins douloureuse, résonné d’un écho aqueux lorsque l’emplaqué finit la tête la première dans une tonnelle d’eau de pluie. Face à l’incapacité manifeste du camp du plancher des vaches à s’élever, la printanière se questionne. Ne pourrait-elle pas baisser sa garde pour l’heure ? Leur perchoir semble clairement hors d’atteinte de la troupe paniquée s’agitant en contrebas.
Ainsi, l’orpheline n’a pas observé le prologue du second chapitre des grivoiseries solaires. Sa mine se tourne alors vers son compagnon acrobate à la mention d’une aide dont ils ont définitivement grand besoin. L’allégresse suscitée par la nouvelle mua toutefois en scepticisme suite à la contemplation du troisième complice. Sur l’archipel, les félidés souffrent d’une réputation frivole. La garde princière semble donc réservée sur l’aide que peut fournir un matou qui semble tout juste sortir de sa sieste. La demoiselle consentit néanmoins sur la ressemblance morale entre les humeurs de ces quadrupèdes et celle du jeune homme dont elle a fait la rencontre il y a quelques minutes seulement. Croire en la fructification de cette association n’est peut-être pas si déplacé. Ce balcon, repéré par le Prince, leur offrirait au moins un répit temporaire face à l’agitation qui les traque.
Mangetsu
Je vous en prie, Altesse. Vos excuses me paraissent tout aussi déplacées que mon comportement préalable. J’ose espérer que Votre Éminence accepte de ne pas tenir rigueur de sa pulsion auprès d’une servante étrangère. J’expierai ma faute selon votre volonté le cas échéant.
C’est l’esprit quelque peu allégé que la servante Fujiwara gagnera la méniane. Toujours en proie à mille questionnements, l’air pensif de la Kuroïte se dissipera un temps, au profit d’une révérence appuyant le regret véhiculé par son timbre. Le dauphin avait, par son large sourire, chassé toute préoccupation quant au manquement d’étiquette de l’esprit de son homologue des îles. Le Meridien semblait ne lui vouer aucune rancune, trop occupé qu’il était à cajoler son félin compagnon. Pour autant, ce dernier percevrait également la fin de leur répit, résonnant sous forme de l’écho d’une cohorte approchant. Le félidé, effrayé ou rusé, s’engouffra sans attendre dans l’enceinte de la maisonnée voisine. Son espiègle ami ne se fit absolument pas prier pour lui emboîter le pas. Pour ce qui est de la femme aux mèches de parme, elle demeura momentanément interdite. Voir un noble de si haut rang enfreindre le caractère privé d’un domicile avec autant d’aisance la désarma de surprise.
Mangetsu
Mais ...
Sans même qu’elle ait le temps de protester naïvement, l’instinct de l’escrimeuse la poussera à s’engouffrer à son tour dans l’habitation. Ce n’était après tout que la seconde entorse du jour à sa morale personnelle. Cette fois, au moins, la prude se persuada que ceci était justifié par les circonstances. Néanmoins, sa prudence se raviva aussitôt qu’elle fut témoin du caractère vétuste de l’intérieur. Ou alors serait-ce l’oppressante fragrance de rhum qui l’incommode, rappelant la piraterie à une femme chargée d’en préserver les siens ? Toujours est-il qu’elle se fera complice de cette intrusion, d’un pas plus fébrile que le Hresvaelgr. Son allure fébrile se stopperait d’ailleurs au moment des révélations sur l’ancien occupant des lieux. Le son de sa voix témoignerait alors de sa présence auprès du demi-elfe.
Mangetsu
Je vois… malfrat ou non, n’attisons pas la colère de son esprit au repos.
Dénuée de toute volonté belliciste, la Kuroïte délestera alors son obi du katana y reposant, sans extirper ce dernier du fourreau dont l’extrémité viendra heurter le sol. Les habiles de la bretteuse, figées sur la garde de la relique familiale, verraient reposer son front alors que ses paupières masquent deux prunelles d’améthyste. Ce contretemps religieux ne serait que l’occasion pour la dernière des Asano de réclamer la clémence du défunt face au trio d’intrus dont elle se constitue la messagère. La prière mentale précisera également qu’ils ne s’attarderont pas dans ce lieu leur servant de refuge. Enfin, le trépassé se verra remercié de son hospitalité puisque c’est sa maison qui permettrait peut-être au jeune prince et à la garde princière de se sortir de la fourmilière qu’est devenue la basse-ville. Au milieu de la pénombre de vétusté, la princesse sans couronne se relèvera alors, prenant soin de se focaliser sur son interlocuteur sans être trop indiscrète envers le mobilier. Pour la première fois, le Meridien serait témoin d’une certaine chaleur dans le timbre de son interlocutrice. Une chaleur se reflétant dans la sincère cordialité de son expression.
Mangetsu
Un passage secret jusqu’au port, dites-vous ? Voilà qui nous offre une perspective intéressante.
D’un bref regard extérieur, elle consentira alors avec elle-même sur la nécessité d’être plus claire. Puisque tous deux étaient momentanément au calme, son propre masque pouvait bien s’effriter un peu.
Mangetsu
« Je me suis lourdement fourvoyée à votre encontre. Je vous voyais de prime abord comme un fugitif comparable à ceux que je recherche. Un vil voleur, tenancier de l’auberge de la basse-ville, s’est rendu coupable du recel, peut-être aussi du rapt, d’une cargaison de lames forgées en l’archipel, entreposée sur notre navire. Cela dit, avec les circonstances actuelles, il me faudra regagner mes quartiers et revêtir d’autres atours pour mener à bien cette quête. »
C’est à ce moment que l’arme impériale retrouvera la ceinture de sa porteuse légitime. Cette dernière tendra ensuite la main au jeune elfe dont elle ne savait encore rien, c’est-à-dire trop peu à son goût.
Mangetsu
« Je consens volontiers à vous escorter dans ce passage secret. Ainsi qu’à vous offrir refuge à bord de mon navire si besoin. Mais je demande des réponses : pourquoi diable la milice locale s’acharne à vous capturer si nulle tension ne secoue votre royaume ? Et surtout… qu’entendiez-vous par un malentendu sur la définition d’un terme d’usage commun ? Je vois mal une si banale affaire provoquer pareils remous. »
Même si la destination relevait de l’autorité de la Kuroïte, le trajet lui était à la discrétion du petit félin. Et en tant que son interprète supposé, le dauphin avait encore l’initiative de la suite des événements.
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Alors que le chat filait vers l'escalier qui menait au sous-sol de la bâtisse, Adrian consentit à s'arrêter sur le pas de la porte. La kuroïte l'avait suivi, mais trop soucieuse de sacrifier à la tradition, elle avait mis un genou à terre pour rendre hommage à l'ancien propriétaire des lieux. S'il ne jugea pas de cette pratique qu'il estima avec respect, le Prince héritier resta sur ses gardes. A l'extérieur, la milice et les soldats royaux continuaient de s'activer pour les retrouver. Leurs cris et leurs appels résonnaient dans les ruelles de la cité portuaire, et bientôt entendit-on le bruit de leurs pas se rapprocher de la maison abandonnée. Sans doute ne tarderaient-ils pas à remonter leur piste, alors qu'ils s'employaient à fouiller chacune des habitations alentours. Au rez-de-chaussée, Luffy miaula et Adrian ne put qu'acquiescer à son appel. Il fallait très objectivement se dépêcher.
"Je vous répondrai..." Promit-il alors et tandis qu'un nouveau sourire étirait ses lèvres. "... Mais pas avant d'avoir rejoint le passage secret. Alors hâtons-nous, sans quoi les soldats n'auront que peu de mal à nous retrouver."
Habitué à évoluer très discrètement dans l'ombre de son père, Adrian se faufila jusqu'en bas des escaliers. Dans la pièce qu'il rejoignit ainsi sans un bruit, crasse et saleté se disputaient la main mise sur des meubles estropiés, et branlants. Personne n'avait plus mis les pieds ici depuis des mois. Pour autant, le sol recouvert d'une épaisse couche de poussière voyait désormais sa surface moutonneuse troublée par les traces de pas du chat qui se faisait leur guide. Ainsi Luffy leur montrait la voie jusqu'au sous-sol.
Adrian le rejoignit très rapidement et sans se faire prier davantage, il partit à l'assaut des murs suintant d'humidité pour trouver le passage qui devait les mener jusqu'au port. Ses paumes survolèrent la pierre brute et transpirante, alors que le félidé se frottait contre ses bottes en ronronnant. Ils y étaient presque. Une supposition qui se fit certitude dès lors que ses doigts appuyèrent sur une brique dont le mortier avait été scié. "Formidable." Chuchota-t-il tout en activant le mécanisme d'ouverture dissimulé là.
Dans un grincement sinistre, part du mur de pierre s'ouvrit pour leur offrir un passage vers un tunnel sans lumière. Adrian soupira, avant de lever sa dextre. Même s'il n'avait pas la maîtrise du pouvoir que pouvait offrir son oeil divin, il avait appris à utiliser sa magie en quelque occasion. Le plus souvent lorsqu'il se rendait à la bibliothèque royale pour y consulter des ouvrages de nuit.
"Je vous laisse refermer derrière nous." Annonça-t-il à l'attention de Sakuya et tout en se glissant dans le sous-terrain.
Luffy se pressa de le suivre, alors que dans sa paume Adrian faisait apparaître une lumière diffuse qui devait les guider dans la pénombre. "Pour en revenir à notre précédente discussion, je dirais que tout est affaire de circonstances et un point de vue ne devrait se forger qu'en connaissance de cause."
Il avança précautionneusement sur le sol boueux, alors que la terre imbibée d'eau de mer s'accrochait très lourdement aux semelles de ses bottes. "Cependant, soyez rassurée. Ni vos mots, ni votre attitude ne m'ont soumis à l'offense. Pour autant et puisque c'est là un sujet qui vous préoccupe, je vous assure ne pas être un voleur..." Il marqua une pause, tendant l'oreille alors qu'un bruit sourd s'en venait marteler le sol au-dessus de leur tête. Une fois le calme revenu, il reprit d'un ton plus bas. "... Je n'ai fait qu'emprunter son aéronef à Sa Majesté le Roi de Meridiem."
Devant l'énormité de son propre aveu, Adrian se mit à rire. "C'est en cela que je parle d'un malentendu sur la définition d’un terme d’usage commun. J'entendais rendre son bien au Roi, malheureusement..." Il pinça les lèvres et jeta un coup d'oeil malicieux par-dessus son épaules en direction de la kuroïte. "... Ma rencontre avec la cime trop élevée d'un arbre va m'en empêcher..." Il sourit de toutes ses dents. ... Je me suis écrasé un peu plus tôt dans la matinée, à quelques pas d'ici."
Il reprit presque aussitôt sa marche en direction du port. Derrière lui, Luffy s'arrêta pour se cambrer et darder un regard inquisiteur en direction de la Kuroïte. Il l'observa ainsi pendant quelques secondes, dos courbé et pattes tendues, avant de sautiller jusqu'à rejoindre Adrian.
"Aussi... Si vous m'offrez de demeurer caché sur votre navire, le temps que tout se calme en ville, je serais ravi de vous aider à retrouver un vrai voleur."
Lumière sur les Interlopes
L’hommage posthume réalisé, un semblant d’apaisement gagnera le cœur de la demoiselle animiste. Leur duo hasardeux se trouve peut-être dans l’œil du cyclone, mais l’heure de souffler n’est pas encore venue tant l’agitation des gardes peut les mener face à l’objet de leur recherche d’une seconde à l’autre. La suite de leur itinéraire jusqu’au passage secret implique des escaliers que la jeune princesse est la dernière a emprunter, toujours dubitative du remue-ménage dans lequel elle s’est retrouvée impliquée. Face à l’agitation du félin comme du prince, la jeune femme se retrouvera de nouveau à fermer la marche, d’un pas aussi silencieux que le gracile demi-elfe qui sondait déjà les murs moites. L’obscurité n’y était pas étrangère, tant et si bien qu’elle manqua par deux fois de faire résonner le précieux alliage de sa ceinture contre le bois alourdi de cendre temporelle. L’attention de l’insulaire était pour le moins éparse, guettant à la fois les sons de l’étage et l’environnement encombré de meubles fatigués.
Le sinistre grincement qui retentit sonnera alors comme un avertissement pour la suite du voyage. Ce dernier consistera en une plongée dans l’obscurité plus profonde encore face à laquelle le félin était le plus préparé. Le jeune prince, peut-être nyctalope, était quant à lui capable de s’orienter en communiquant avec l’animal. La Kuroïte n’aurait toutefois pas le temps de consentir à se priver de la vue pour être guidée par un autre de ses sens. La lueur balayant l’obscurité, qui s’était allumée dans la paume de son compagnon, attira instantanément son regard comme la lune sert de repère aux insectes nocturnes. Les circonstances ôtèrent instantanément tout aspect réconfortant à cet éclat, l’esprit de la jeune femme assemblant enfin de lui-même le puzzle dont les pièces refusaient jusque-là de correspondre.
En dépit de la clarté rendant le cheminement aisé, la Kuroïte demeure un temps interdite. Son corps s’était bien engouffré de lui-même dans le tunnel menant au port, mais son esprit semble ailleurs. L’interdiction d’entrer dans la basse-ville, qu’elle a bravé. Le nombre anormalement élevé de gardes patrouillant. Si elle-même avait souhaité retrouver l’enfant disparu de son suzerain, Sakuya aurait de suite fait boucler le quartier Fujiwara pour qu’il soit fouillé au peigne fin. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’un détachement entier de gardes fourmille a la recherche du Prince Héritier de Meridiem. Tandis qu’elle referme l’accès à leur dédale, une seule question hante a présent ses pensées. Pourquoi a-t-il fallu que ce soit elle qui le retrouve ?
Elle se fera alors attentive aux paroles du dauphin. Soulagée d’abord qu’il ne lui soit pas tenu rigueur de son comportement. L’ironie de la mésaventure du blond peine à raviver son esprit tourmenté. Simple femme de main ou héritière dépossédée, les conséquences de cet emprunt et de la casse de l’appareil la dépassaient de son propre aveu. Aux regards et sourires du Meridien, la jeune femme ne fut en mesure de répliquer qu’un rictus nerveux. Elle mesurait principalement la chance du Hresvaelgr d’avoir fait la rencontre d’une prétendante à la divinité qui demeurait en dehors de ce concours. Aussi et surtout, le jeune elfe avait la chance d’être accompagné d’une femme n’ayant aucune raison d’en vouloir à la famille royale. Le pire qui pouvait arriver au sang-mêlé en compagnie de la Kuroïte était de se voir ramené auprès de la soldatesque remuant la basse-ville pour le retrouver. N’en déplaise au félin que sa présence semblait déranger, son plan était bien différent.
Mangetsu
« Je dois paraître sotte a ne pas vous avoir reconnu promptement. Vous avez été sur les langues de nombre de mes concitoyens lorsque l’éveil de votre pouvoir unique accompagna le réveil du Père de l’Aube. Par ailleurs, ma méconnaissance est en partie due au fait que je vous voyais comme un être inaccessible a cause des rumeurs sur la cage dorée vous entourant. Il semble pourtant que vous soyez parvenu a en trouver la clé plus d’une fois. »
A mesure que la situation lui apparut de façon limpide, la Kuroïte avait retrouvé son assurance habituelle, jusqu’à daigner se placer en éclaireuse et non en suivante. La lumière émanant de sa suite lui permettait d’y voir suffisamment pour se diriger et elle devrait de toute façon faire office d’avant-garde lorsqu’ils atteindraient les quais dont ils se rapprochaient. Et ce même si la simple connaissance de ce passage suggérait que le Prince se soit déjà souvent rendu au port. Fut-il guidé à chaque fois par le félidé ? Alors que Sakuya lorgnait en direction de Luffy qui courait loin devant, elle comprenait mieux la complicité reliant ces deux êtres. Néanmoins, un détail finira par détourner son attention de l’ami des hommes. Jusqu’à présent, la piste qu’ils laissaient derrière eux était les seules traces venant marquer la boue. Mais voilà qu’au milieu de ce tunnel, la quantité d’empreintes témoigne de plusieurs individus cette fois venus du port. Ces traces là semblent également s’arrêter face à un mur mais Sakuya n’a pas encore le temps de songer à cette affaire. Pas tant que le fils héritier est si reconnaissable à ses côtés.
Mangetsu
« Votre aide serait la bienvenue, vous qui êtes à-même de m’éclairer sur bien des aspects de la géographie locale. Mais ne relâchez pas encore votre vigilance… le plus dur demeure de vous mener de la sortie du passage jusqu’au pont du navire. »
Tandis qu’elle annonçait cette dernière contrainte, la jeune fleur percevait plus nettement son environnement, signe que l’extérieur n’était plus loin. Elle pressa ainsi son allure, devançant même le chat dont elle ignora le feulement de protestation. Motivée par sa curiosité quant à l’accès dérobé, Sakuya découvrit un simple amas de tonneaux visibles par delà un trou révélant les quais de Vassago derrière un ultime mur de pierres. Familiarisée avec le mécanisme, elle entreprit d’elle-même de déverrouiller la barrière séparant leur trio de l’air libre. Le temps nécessaire à cette découverte permit au félin de gagner le côté de l’insulaire qui semblait définitivement moins habituée à ces pierres. Lorsque le chat de gouttière miaulera pour exprimer sa pensée sur celle qu’il ne connaissait pas, le mur se débloquerait enfin d’un grincement plus rassurant. Par ce qu’elle vit sur les quais, Sakuya ne sera pourtant pas apaisée. Outre l’animation marchande habituelle, quelques gardes patrouillait également, par malchance ou car le Prince en cavale fut déjà retrouvé ici plus d’une fois. Il faudra un instant de silence à la jeune femme pour sortir une perle de lien de son hakama, sondant les hommes en armes du regard derrière la pile de tonneaux.
Mangetsu
« Matsuda. Je remarque qu’il y a beaucoup d’agitation sur la berge, j’aurais besoin que vous fassiez diversion. Je ne sais pas moi, vous n’avez qu’à proposer aux gardes de tester les armes que l’on peut encore vendre. L’important c’est qu’un maximum de gens regarde ailleurs. »
Du bijou magique, on pouvait entendre l’incompréhension du matelot qui s’exécuterait néanmoins. En quelques minutes, les marins de Kuro prendront place au milieu des étals et vanteront la bonne facture des armes les plus raffinées à leur disposition. La patrouille Meridienne serait prise au jeu d’attester eux-mêmes les dires des vendeurs à la sauvette. Tandis que le poisson mordait à l’hameçon, la Princesse elle fixe la mine trop reconnaissable de l’Héritier qu’elle escorte. Elle ne peut encore rien faire pour sa tenue, mais détache tout de même le chapeau de paille accroché dans son dos avant de le tendre à Adrian.
Mangetsu
« Je vous suggère de porter ça tant que nous sommes visibles. Je ne saurais pas où vous cacher s’ils demandent à fouiller notre bateau. »
Murmurera la jeune fleur avant de diriger son invité vers le navire de l’archipel qui souffrait toujours de l’avarie empêchant sa navigation. Même avec la proue partiellement déchiquetée, l’embarcation faite de chêne verni demeure un des bâtiments les plus imposants parmi ceux amarrés. Pour cause, il s’agit là du canonnier le plus doté du Prince des Armes, le Kagutsuchi. Si le pont ne paie pas de mine, l’aménagement des quartiers de l’équipage constitue le vrai luxe de ce vaisseau militaire. Sans artisan attelé à la réparation, le chemin n’en serait donc que plus tranquille, si toutefois le photon libre a sa suite consentait à suivre la bretteuse calmement jusqu’à être à l’abri des regards. Ils allaient devoir patienter avant tout.
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S'il n'avait pas déjà été au fait de sa renommée, Adrian aurait pu se sentir vexé d'être aussi sommairement résumé à quelques racontars populaires. Pour autant devait-il admettre la vérité contenue dans ces commérages. Il était en effet le détenteur d'un pouvoir estimé unique et vivait dans l'ombre de ses parents, à l'abri du monde. Certains parlaient alors d'une cage dorée et lui-même se sentait parfois emprisonné dans ce cocon protecteur. Adrian, cependant, n'avait jamais éprouvé le besoin d'échapper à son environnement sécurisé. Tout du moins, pas jusqu'à récemment. Sans doute était-ce là le fruit de sa discussion avec Dante. Son frère lui avait annoncé son départ pour Halogia et Adrian s'en était senti jaloux. Lui aussi, aurait souhaité voir le monde et peut-être que lui aussi, aurait aimé que son père lui confie une mission pour le bien de Meridiem. L'héritier du trône devait néanmoins confesser sa bêtise. Son échappée s'apparentait finalement à un caprice et s'il s'osait à contester sa préciosité, Adrian devait au moins accepter son statut de successeur. C'était donc l'avenir du royaume qu'il mettait en péril en se comportant comme un enfant égoïste. C'était donc la vie même de sa complice involontaire qu'il risquait dans le seul but de fuir son quotidien privilégié.
Ainsi amené au comble de son raisonnement, Adrian se sentit presque stupide. D'un regard jeté par-dessus son épaule, il lorgna en direction de la kuroïte sans trouver le moindre bon mot à lui répondre. Elle l'avait reconnu et ce faisant, elle forçait sa conscience à s'éveiller aux conséquences de ses actes. Le demi-elfe en resta coi. Sur son visage, le sourire qu'il avait affiché jusque là s'évapora. L'expression alors rendue au navrement, il fixa la jeune femme derrière lui. Adrian était désolé et peut-être un peu déçu de n'avoir plus l'occasion d'ignorer le protocole qui s'imposait à lui. Être le Prince Héritier le forçait à la retenue quand sa nature voulait briller et irradier de joie de vivre. Un autre comble pour celui dont l'existence se trouvait si menacée aujourd'hui.
Dans la paume de sa main, la lueur de son pouvoir vacilla. Adrian était en proie au doute et ses questionnements, tout comme ses émotions, influaient très directement sur sa maîtrise. Il baissa les yeux et attendit de se voir dépasser par sa comparse pour enfin relever le nez. Les choses étaient toujours différentes, quand les gens se considéraient en présence du Prince Héritier. Même Dante avait changé dernièrement. Comme pour confirmer ce fait, la Kuroïte avait également changé d'attitude. Elle était plus directive, moins effacée et admit même de le dépasser pour prendre la tête de leur petit groupe, pendant que Luffy demeurait installé entre les bottes du demi-elfe.
Comme s'il avait voulu le rappeler à l'ordre, le chat miaula pour inciter Adrian à l'action. Le prince sursauta presque mais il esquissa finalement un sourire avant d'acquiescer. "Tu as raison Luffy. Mieux vaut ne pas traîner ici. Suivons-la, puisqu'elle semble savoir où elle va."
En reprenant sa marche derrière la kuroïte, le demi-elfe chercha à se repérer dans le tunnel creusé de longue date. Il nota la recrudescence de traces de pas au sol et comprit qu'une mauvaise rencontre était possible, même ici. Toutefois, son esprit ne manqua pas d'associer événements relatés par la Kuroïte à cette découverte inopinée. L'enquête qu'elle entendait mener, pour retrouver le chargement volé, l'amènerait à considérer ses empreintes d'un oeil de détective. Sûrement pourraient-ils alors avoir un intérêt à revenir par ici, lorsque les gardes de son père auront estimé devoir le chercher ailleurs.
Adrian en était là de ses réflexions quand sa comparse s'immobilisa pour contacter un probable collègue. Il l'écouta donner ses consignes, toujours silencieux alors qu'il l'observait avec un peu plus d'attention. Il n'avait pas la moindre idée de qui elle pouvait être. C'était une insulaire, cela ne faisait aucun doute. A son phrasé, pour le moins soigné, il la supposait de bonne famille. Elle était éduquée, maniérée et visiblement attachée aux us, et aux traditions. Mais cela était-il suffisant pour lui faire confiance ? Ses yeux d'or glissèrent jusqu'au obi qui enserrait sa taille et s'attardèrent un instant sur la garde de son arme. A aucun moment il n'avait imaginé devoir se battre contre elle et à être parfaitement honnête, il n'avait aucune envie d'avoir à le faire.
Lorsqu'elle lui adressa à nouveau la parole, il releva ses prunelles d'ambre pour cette fois la dévisager. Il mit un instant à comprendre ce qu'elle lui avait dit et tarda à réagir quand elle lui proposa son chapeau. Mais ses doigts finirent par accrocher les rebords de paille du couvre-chef, tandis qu'un sourire s'en venait une nouvelle fois se lover au coin de ses lèvres.
"C'est à mon tour de me sentir sot. Je vous dois déjà beaucoup, alors même que j'ai manqué à toutes mes obligations. Permettez donc que je me présente, quand bien même vous avez déjà deviné mon identité." Il ramena le chapeau contre son torse et s'inclina comme s'il n'avait été qu'un courtisan. "Adrian Hresvaelgr. Soyez donc assurée, Madame, que si nous devions être pris, aucun mal ne vous serait fait. Pour cela, je vous donne ma parole.
Tout en se redressant, il se coiffa du couvre-chef et patienta de se voir donner le signal pour emboiter le pas de la Kuroïte.
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Dans une certaine mesure, Sakuya était accoutumée a fréquenter des dignitaires étrangers. Face au regard suspendu du jeune blond, elle s’interrogea pourtant sur sa réaction. Voyait-il la proposition de couvre-chef comme irrespectueuse, pour qu’il dévisage ainsi l’émissaire Fujiwara ? Que le dauphin semble a minima perdu face a cette requête manqua d’amener la déshéritée a reconsidérer cette dernière. Le doute sera dissipé lorsqu’Adrian acceptera de revêtir la coiffe insulaire, non sans retrouver un éclat jovial que la jeune femme a ses côtés commence à lui attribuer de façon coutumière. Tandis qu’il se présente officiellement et avec plus de manières, la Kuroïte doit s’avouer plus a l’aise désormais. Outre le fait qu’un abri sûr ne soit plus très loin, l’étiquette dont fait preuve son interlocuteur la ramène sur un terrain qu’elle maîtrise avec une certaine aisance. Cet exercice lui est en tout cas bien plus aisé que de courir sur les toits en narguant les dépositaires de l’autorité royale, aux côtés du plus noble des fugitifs. Pourtant, voir le dauphin Meridien s’incliner face a elle était un honneur dont elle ne se pensait pas méritante. S’apposant une main sur le cœur, elle tâcha donc de le révérencer avec humilité a son tour.
Mangetsu
« Quoiqu’il advienne, j’apprécie que vous évitiez a mon suzerain l’embarras de voir sa plus fidèle obligée écrouée. Je suis Mangetsu, du clan Fujiwara. »
Estimant ne pas avoir besoin d’en dire davantage, la garde princière redirige rapidement son attention vers le port ou une partie de la foule seulement s’intéresse au spectacle martial. L’attention globale est moins focalisée que ne l’espérait Sakuya, mais cette dernière décide de se lancer malgré tout. Les gardes étant distraits par ses comparses, ils n’attireront pas l’attention de personnes problématiques s’ils ne paraissent pas suspects. Il n’y a qu’à espérer que les atours du dauphin ne le trahissent pas. En attendant, la jeune insulaire s’adresserait a lui d’un timbre presque murmuré.
Mangetsu
« Vous devinerez que le luxe adéquat pour vous recevoir a bord est absent faute de réception prévue. Je crains ne pas avoir autre chose a vous proposer que la contemplation de l’horizon pour vous occuper l’esprit tandis que la tension retombe. »
Foulant les pavés du quai, face au Kagutsuchi, la demoiselle jettera un regard vague aux badauds qui le lui rendent avant de dériver vers son accompagnant. De ceux qu’elle peut voir lorgner sur le prince héritier, aucun ne semble l’observer suspicieusement en dépit de la flagrante différence culturelle entre ses habits et sa coiffe. Tout au plus un couple vénérable leur adresse un sourire bienveillant alors qu’eux-mêmes occupent le bord de la jetée. La Kuroïte invitera ensuite Adrian a la suivre sur le fleuron insulaire d’un simple geste de la main, atteignant le pont sans se presser avant de laisser éclater son soulagement.
Mangetsu
« Enfin. Je ne pense pas que quiconque viendra vous chercher ici.. mais dans le doute, ne restons pas en vue. »
La bretteuse désignera la cabine qui abrite ses quartiers personnels, faute de pouvoir accueillir son invité ailleurs. Compte tenu des circonstances actuelles, l’équipage du navire était pour le moins amoindri puisque tous s’affairaient en ville. Les rares somnolents dans la cale ne seraient pas dérangés par le binôme au sang bleu dont l’occupante guidait le visiteur jusqu’à l’abri des regards. La loge au confort sommaire ne ressemblait en rien aux suites luxueuses auxquelles l’héritier devait être habitué. L’endroit était pourtant égayé d’une bibliothèque garnie et d’un coin visiblement dédié a l’exposition de moult panoramas dépeints sur autant de chevalets. Sur la table basse au centre de la pièce, une théière fumante embaumait l’air de ses notes florales tandis qu’une collection de diverses lames typiquement Kuroïtes ornait le dernier mur disponible. Il paraissait de plus évident que l’occupante des lieux ne se souciait pas de qui, entre la plume et l’épée, triomphait. Face a la seule fenêtre de la cabine, un bureau témoignait par sa surface d’un écrit inachevé. Restait a voir si le Meridien a bord devinait que l’étagère de son homologue insulaire fut ainsi partiellement garnie de poèmes par ses soins.
Mangetsu
« En guise d’hospitalité, me permettrez vous de vous servir un rafraîchissement ? Oh, ce thé n’est pas tout ce que je peux vous proposer. J’ai aussi des breuvages plus fruitées… ou bien des distillats. »
Quelque soit le souhait du jeune astre, son hôte daignera se séparer de l’arme a sa ceinture pour la faire reposer contre le paravent situé dans son dos. Elle serait la dernière à s’installer a table, son air préoccupé ayant laissé la place a une mine plus sereine. En vérité, l’adrénaline retombée, la situation avait tout pour l’amuser. La survivante des Asano se risquera même a soutenir le regard de son illustre interlocuteur en allégeant la situation dans laquelle tous deux se trouvaient.
Mangetsu
« Vous disiez donc que votre rencontre avec la cime d’un arbre vous empêche désormais de rendre l’aéronef emprunté a votre père le Roi. Au vu de l’aplomb avec lequel vous êtes recherché, j’imagine que ce bijou de technologie a déjà dû être rapatrié en lieu sûr également. Je pense que vous pouvez être rassuré.. vous pourrez bel et bien le lui rendre. Il faudra néanmoins que vous soyez convaincant afin de justifier les réparations ! »
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"Un thé sera parfait." Se contenta t'il de répondre, cependant que son regard parcourait les lieux. Il n'avait rien commenté des instructions et recommandations de l'insulaire, et s'était plié à ses consignes sans les discuter. Discipliné, alors qu'il avait fait montre de bien trop d'initiative durant leur échappée et jusqu'à leur embarquement sur le navire kuroïte. À présent que son identité était découverte et qu'il s'était très officiellement présenté, Adrian ne pouvait plus prétendre à ignorer le protocole. La bienséance l'autorisait à se montrer courtois, mais les règles et la préséance lui imposaient de sacrifier au formalisme en conservant ce qu'il fallait de distance, et de détachement. Après tout, il était le Prince Héritier du royaume et le futur souverain de Meridiem.
La situation lui paraissait alors suffisamment incongrue pour qu'il en relève tout le paradoxe. Lui qui devait s'entourer du cérémonial assujetti au décorum se trouvait comme un pérégrin au centre de ce décor tout droit sorti de ses livres. D'ailleurs, combien de fois n'avait-il pas imaginé prendre le large sur un tel navire ? Caravelle, caraque ou jonque, peu lui avait importé alors, lorsqu'il se voyait explorer le monde, longue-vue collée à son oeil pour découvrir l'horizon et ses richesses.
Laissant un énigmatique sourire s'épanouir sur ses lèvres, Adrian retira le chapeau qu'il avait gardé vissé sur sa tête jusque-là. Il passa une main inquisitive dans ses cheveux défaits et grimaça tout en reposant le couvre-chef sur un meuble d'appoint. Les mèches blondes de sa tignasse avaient eu le temps de s'emmêler durant leur course folle à travers la ville. Pourtant devait il veiller à ne pas y attacher trop d'importance. Habilement, ses doigts entreprirent néanmoins de défaire la longue tresse qu'il avait pris l'habitude de porter au quotidien. Il dodelina du chef tout en acquiesçant aux derniers propos de la Kuroïte.
Elle s'était présentée comme une membre du clan Fujiwara. A la vue de ce qu'il découvrait ici comme ses effets personnels, Adrian se figurait ladite Mangetsu comme une proche du Prince-Marchand éponyme. Il ne savait que peu de choses à son sujet. De ce qu'il avait appris de lui, Eiji Fujiwara était en charge du commerce des armes à Kuro. Il se trouvait également capable de fournir des soldats à qui savait y mettre le prix. Sa réputation le décrivait comme un homme calculateur et aussi fourbe que ces pairs, quand bien même il pouvait se montrait plus insidieux encore.
"L'aéronef que j'ai emprunté à mon père est de type artisanal. Il y tient tout particulièrement, mais je n'irais pas jusqu'à le qualifier de bijou technologique." Il marqua une pause alors que ses pas l'avaient porté jusqu'à l'écritoire qu'il survola d'un oeil avisé, avant de tourner son regard vers la bibliothèque et ses étagères garnies d'ouvrages. "Pour autant, vous avez raison, il va me falloir être convaincant et sans doute devrai je mettre la main à la pâte pour aider à ses réparations."
Il adressa un fugace sourire à la jeune femme, puis se dirigea vers le coin de la cabine où trônaient des peintures sur leurs chevalets. "Elles sont de vous ?" Demanda t-il de manière plus rhétorique qu'interrogative cependant qu'il penchait la tête sur le côté pour mieux admirer les différents panoramas qui se trouvaient représentés sur les toiles. "Sont-ce là les territoires que vous avez d'ores et déjà explorés ou peignez vous à l'instinct ?" Il marqua une nouvelle pause et laissa filer un temps de réflexion, avant de murmurer d'une voix frappée d'admiration. "Elles sont remarquables."
Lumière sur les Interlopes
À présent que nul regard indiscret ne peut les compromettre, l’insulaire voit la charge alourdissant ses épaules disparaître. La discrétion marquant jusque-là son langage corporel laisse ainsi naturellement place à une assurance devenue coutumière. La jeune femme est en terrain familier, qui plus est en face d’un être a minima tout aussi raffiné qu’elle, si ce n’est bien plus encore. La majorité des notables de Kuro pèseraient soigneusement chacun de leurs mots face au dauphin du royaume chevalier, ne serait-ce que par souci de ne pas froisser l’espoir d’une union avec la nation menant la danse géopolitique. Si rompue soit-elle à l’exercice, après leur drôle de mésaventure, Sakuya voit en Adrian davantage un drôle d’oiseau en manque d’envol plutôt qu’un héritier accompli. Loin d’oublier la notion de respect inhérente à sa culture, ne peut-elle pas offrir au jeune blond ce souffle de fraîcheur qui semble encore lui faire défaut ?
Mangetsu
« Prenez soin de souffler dessus avant de le déguster. Cette variété est particulière : ses arômes ressortent davantage lorsqu’il tiédit. »
L’esquisse d’un rictus apparut alors sur les traits de la demoiselle. La dernière fois qu’elle eut dégusté un thé en compagnie d’une ressortissante Meridienne, il s’agissait justement d’une elfe, notable sorcière de surcroît. L’humaine commençait à croire que ce peuple affectionnait autant le breuvage naturel que sa propre patrie. Elle espérait cependant que leur échange serait plus jovial que cette visite improvisée du Bois-Vivant. Le porteur d’Astro, qui furetait présentement sur tout l’art pacifique que pouvait lui offrir son sens de la vue, semblait déjà plus enclin à rendre l’échange chaleureux. Loin de la façon dont elle pouvait se représenter le dernier enfant des Hresvaelgr, elle l’a d’abord vu relâcher sa toison d’or et l’influer de son apaisement naturel. Puis, le Prince aura délaissé son assise, comme émerveillé par les différentes galeries que Sakuya n’entendait pas nécessairement offrir en spectacle. La flatterie du commentaire prendra cependant le pas sur sa réserve habituelle. Rester excessivement cordiale ne l’aiderait pas à détendre l’atmosphère. C’est d’un pas serein qu’elle rejoindra finalement son invité d’honneur, attirant son regard sur la plus ancienne des peintures s’offrant à lui.
Mangetsu
« Toutes ces toiles se veulent le plus fidèle possible aux paysages que j’ai observés. Tenez, cet arbre qui trône fièrement au sein des Bois-Murmurants est sans doute la moins réussie de mes œuvres. Il n’a pas changé depuis mes plus jeunes années, ou j’ai eu la chance de pouvoir le découvrir avant l’isolation de la capitale. »
Une vision presque idyllique, contrastant fortement avec le chevalet voisin sur lequel repose une version purement subjective du lieu ayant vu la Lame des Fujiwara rencontrer l’ancienne aspirante Haute-Prêtresse d’Ul’Atarax. Pour ce cas-ci, même si elle s’y est rendue en personne, l’insulaire ne peut attester que la vision dépeinte en soit la véritable, tant son hôte lui prouva être une illusionniste de talent.
Mangetsu
« En ce qui me concerne, je n’aime pas peindre à l’instinct. Cela me renvoie justement à mon âge infantile où j’étais loin de mener la vie à laquelle j’aspirais. Cette discipline me servait alors d’échappatoire, tout comme certaines des compositions écrites garnissant mes étagères. Non pas que je renie cette part de mon existence, mais je ne veux plus embrasser ma passivité d’autrefois. »
Le regard voguant sur ses toiles, la Kuroïte dirige prudemment l’attention du dauphin sur la représentation voisine du cerisier qui dépeint justement le repaire de la Recluse Brune. Tout du moins aux yeux de Sakuya est-il apparu ainsi.
Mangetsu
« Celle-ci devrait vous être familière. J’ai été amenée il y a peu à fouler la forêt menant au Bras du Père que vous pouvez donc observer ici. Pour le reste.. ce sont essentiellement des endroits qui vous sont étrangers, disséminés dans l’archipel. Oh, vous aurez ici une représentation hivernale du même cerisier qu’auparavant. »
Laissant le Prince vaquer à sa contemplation, la demoiselle s’assure d’un regard discret que le tableau reposant à l’écart soit masqué par sa collection d’armes avant de s’intéresser de nouveau a son invité radieux. Humblement, elle le remerciera de son compliment par une courbette avant de lui tendre un de ses crayons, un sourire amusé greffé a ses lèvres. Elle-même n’est passionnée de la peinture que pour l’immortalisation de ses sentiments, qu’en est-il donc du jeune homme qu’elle se permets finalement d’aborder plus comme un égal que comme un futur héritier ?
Mangetsu
« Oserais-je abuser de ma position pour vous demander un autographe ? Je suis plus que certaine que votre talent a la plume éclipse le mien, mais j’en voudrais une démonstration dont vous êtes libre. Nous devons encore laisser s’écouler le flot du temps avant de pouvoir musarder sereinement. »
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Adrian n’était pas indifférent à l’atmosphère intime qui s’installait peu à peu entre eux, loin des regards pesants et des attentes de la cour. Lorsqu’il avait accepté l’invitation de l'insulaire, il ne s’attendait pas à se retrouver dans un cadre aussi personnel, aussi révélateur des aspirations et des souvenirs de la jeune femme. Ses yeux parcouraient les toiles, chacune d’elles dévoilant une facette différente de la vie de la kuroïte. Une vie très visiblement marquée par une quête d’évasion et de contemplation. Adrian se surprit à comparer cette démarche à la sienne, à la façon dont il s’évadait à travers la musique, transformant ses émotions en mélodies qui résonnaient bien au-delà de ses pensées tourmentées.
Lorsqu'elle commença à lui parler de ses peintures, Adrian ne put s’empêcher de remarquer le lien entre son art et les paysages qu’elle avait traversés, des paysages qu’elle semblait peindre avec une précision presque obsessionnelle, comme pour capturer des instants d’une beauté éphémère. En l’écoutant, il se rappela des heures passées à jouer du violon, à chercher cette note parfaite qui ferait vibrer son âme. La peinture de Sakuya et sa propre musique semblaient naître d’un même désir : celui de transcender les limites imposées par leurs vies respectives.
Adrian esquissa un sourire en remarquant la réserve initiale de l'insulaire s’estomper, remplacée par une assurance naturelle. Il comprenait cela. Lui aussi se sentait parfois étouffé par les obligations, par l’image que l’on attendait qu’il projette. Mais ici, entouré de l’art de son art, il se sentait finalement à l’aise. Aussi, lorsque Sakuya évoqua la peinture comme un exutoire à son enfance, Adrian hocha doucement la tête. Lui-même se souvenait des jours où son violon avait été son seul refuge, la seule chose qui le reliait à ce qu’il considérait comme vrai, loin des masques et des faux-semblants de la cour.
Sakuya le guida ensuite vers une peinture représentant un cerisier en hiver, une scène qui lui rappela immédiatement certaines des compositions qu’il avait jouées, des pièces mélancoliques qui captaient la beauté fragile de la nature en hibernation. Il se perdit un instant dans la contemplation du tableau, imaginant la mélodie qu’il pourrait en tirer, quelque chose de doux et triste à la fois, une musique qui évoquerait à la fois la nostalgie et l’espoir.
Alors qu’il réfléchissait à ces images, il fut tiré de ses pensées par la voix de la kuroïte qui, avec un sourire amusé, lui tendait un crayon. L'héritier meridien fut surpris par la demande, non pas parce qu’il n’avait jamais signé quoi que ce soit, mais parce qu’il ne s’attendait pas à une telle requête dans ce contexte.
Un autographe ? Il contempla le crayon qu’elle lui tendait, puis jeta un regard autour de lui, à cette pièce qui respirait la créativité. Il y avait dans l’air quelque chose de poétique, une atmosphère propice à l’inspiration. Un sourire se lova au coin de ses lèvres alors qu'une idée s'en venait germer dans son esprit. Plutôt que de simplement apposer son nom sur un morceau de papier, il sentit qu’il devait offrir quelque chose de plus significatif. Quelque chose de plus... Personnel.
Prenant le crayon avec délicatesse, Adrian se dirigea vers une table proche, où un carnet de croquis était posé. Il l’ouvrit à une page vierge, laissant son regard errer un instant sur les feuilles encore blanches. Il pouvait presque entendre une mélodie naître dans son esprit, une composition qui capturerait ce moment singulier. Inspiré par les toiles de Sakuya, il visualisa une série de notes dansantes sur la portée, une musique qui serait à la fois un cadeau et une réponse à l’invitation subtile de la jeune femme.
Avec une précision calme et mesurée, le semi elfe commença à dessiner les premières portées sur le papier. Ses mouvements étaient fluides, presque instinctifs. Les notes prenaient forme, chacune étant choisie avec soin, comme si elles résonnaient déjà dans l’air. La composition qui se dessinait reflétait à la fois la tranquillité du cadre, l'élégance de la conversation et la profondeur des échanges sous-entendus. C’était une pièce simple, mais évocatrice. Une mélodie qui, bien qu’écrite à la hâte, portait toute la subtilité de ses émotions présentes.
Adrian y ajouta quelques nuances, des indications de tempo, marquant les crescendos et les decrescendos qui guideraient celui qui jouerait cette partition. Tout en dessinant les notes, il imaginait le son de cette musique résonner dans une petite pièce, comme celle où ils se trouvaient, ou peut-être à l’extérieur, sous un ciel étoilé. Il pensait à la résonance des cordes, aux vibrations de chaque note et à la manière dont elles captureraient l’essence de ce moment.
Lorsqu’il eut terminé, le jeune prince releva les yeux, satisfait de sa création. La page était maintenant remplie d’une courte mais élégante mélodie. Un reflet de ce qu'avait été pour leur rencontre inattendue et de ce qu'elle lui inspirait déjà de respect, et d’admiration.
"Voilà" dit-il en tendant le carnet à la kuroïte. "Ce n’est pas autographe, mais cette composition, bien que modeste, m'apparaît plus éloquente qu'un simple nom." Il marqua une pause, ses yeux captant ceux de l'insulaire cependant qu'un nouveau sourire s'épanouissait sur ses lèvres. "J'espère que vous lui trouverez une petite place entre vos œuvres."
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Voir le demi-elfe s’approprier si sereinement les lieux afin d’accéder à sa requête eut de quoi rassurer la bretteuse. Fut-t-elle en charge de divertir les escortes d’autres dignitaires traitant avec son suzerain, la vassale se serait persuadée de la piètre image que renvoyait un tel accueil. Bien qu’il n’en différait en rien ici, le caractère imprévu de leur rencontre la contraignait à s’y résoudre. Pour autant, la démarche gracile du Meridien donne déjà l’impression qu’il a mémorisé l’agencement du lieu, si ce n’est que les parties susceptibles de l’intéresser dans un cadre similaire.
Soucieuse de lui laisser la sérénité nécessaire à son expression, Sakuya conserva ses distances avec l’héritier sans le délaisser de son regard de prune. Quelle que soit la façon dont le demi-elfe s’approprie cet univers vierge de création, celle qu’il y appose apparaît animer son esprit comme si ses habiles n’étaient que le moyen utilisé par l’œuvre pour s’extirper de ses pensées immatérielles afin de prendre vie. La demoiselle, familière de cette exécution, reconnaît ici la passion animant les grands artistes de son archipel. Mais surtout, elle y retrouve une amusante similitude avec sa propre façon de concevoir des œuvres se réclamant de l’art.
Et de toutes les formes d’expression qu’aurait pu choisir Adrian, celle qu’il finit par soumettre a son hôte fut peut-être la moins attendue. Les traits de Sakuya ne cherchent pas à masquer sa surprise, puis sa satisfaction, lorsqu’elle tente de s’imaginer le résultat de ces notes et de leurs variations. Hélas, c’est bien de là que provient son embarras : la pièce composée restera pour l’heure à l’état de croquis, puis qu’aucun moyen de la rendre réelle ne se trouvait à proximité immédiate du binôme au sang bleu.
Mangetsu
« Je n’imaginais pas que laisser mes instruments dans ma loge pour ce voyage me laisserait mécontente. J’aurais apprécié abuser davantage de ma position pour vous demander une expression plus auditive de cette composition. D’autant que je suis certaine que vous n’avez jamais vu la plupart d’entre eux ! »
Confessa-t-elle d’un air malgré tout enjoué, saisissant la partition entre ses habiles avant de fureter en direction de sa bibliothèque. Le souhait du Prince serait évidemment exaucé, la Princesse dut-t-elle diminuer sa propre collection pour cela. Ses iris cherchaient justement un titre qui se voudrait suffisamment accrocheur pour un membre de la famille souveraine du royaume voisin de la Province. Un ouvrage qu’elle finira par repérer sous la forme d’un recueil de poèmes ayant traversé les siècles d’histoire de Kuro jusqu’à atterrir sur les étagères de la Princesse. L’auteure lui était pour le moins familière puisque les deux femmes étaient reliées par le sang. Néanmoins, ce n’est pas cette valeur que la jeune femme choisirait de vanter, tandis qu’elle se représentait de face à Adrian, s’inclinant tandis qu’elle lui tendait le recueil.
Mangetsu
« En guise de ma reconnaissance, je vous prie d’accepter ce cadeau. C’est un recueil de poésies dans la forme que nous affectionnons sur l’archipel. Certains d’entre eux peuvent se targuer d’être plus anciens encore que la fondation de notre Cité-État, selon les dires de la compilatrice. J’ose espérer que son travail d’orfèvre littéraire ravira vos attentes autant que ce fut le cas pour moi. »
Plus qu’un petit morceau d’histoire, c’était l’un des souvenirs de sa mère que cédait ici la demoiselle au jeune Prince qui n’en aurait heureusement pas conscience. Le présent accepté, elle retrouverait une posture droite et harmoniserait ses prunelles avec les reflets d’or lui faisant face. L’écho de craquements sur le bois au-dessus d’eux attirerait alors l’attention de l’occupante qui fut ramenée a la raison de sa présence ici.
Mangetsu
« Ces pas sont peu nombreux.. j’imagine que le calme a dû commencer a regagner la jetée ? Je vous proposerai bien de vous raccompagner jusqu’auPalais, maiss je doute qu’on m’en laisse l’occasion.. d’ailleurs, comment avez-vous prévu de regagner vos quartiers sans être repéré ? Ne me dites pas que vous y avez aussi un passage secret… ? »
L’interrogation de l’insulaire, suintante de curiosité, occulte surtout sciemment la précédente proposition du Prince de l’aider a recouvrer les armes dérobées. La Kuroïte, si elle n’était pas contre la compagnie d’un homologue, ne souhaitait pas forcément impliquer le dauphin local dans une banale chasse au larcin qui ne relevait pas de ses prérogatives. D’autant que le sort que leur réservait déjà la Fujiwara n’avait rien d’enviable ni même de tout public. À en juger par son interlocuteur néanmoins, il ne reviendrait pas sur sa parole. Pouvait-elle seulement le dissuader de prendre des risques qu’elle ne voulait pas le voir courir sans l’offenser ?
Mangetsu
« Au sujet de votre concours dans ma mission.. je crains qu’il ne vous faille d’autres habits afin d’évoluer dans la fange et dans la poussière. Si vous tenez toujours à m’accompagner, je ne pourrai hélas vous proposer que des tenues a la conception typiquement insulaire. Que décidez-vous, Prince Hresvaelgr ? »
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Adrian prit le recueil de poésie des mains de Sakuya avec une révérence empreinte de respect, son geste mesuré et délicat, comme s’il manipulait un trésor ancien. Il effleura la couverture avec une douceur infinie, sentant sous ses doigts la texture du cuir usé par les ans. Chaque livre, chaque volume qu’il avait eu entre ses mains, avait toujours été pour lui un univers en soi, une fenêtre ouverte sur d’autres réalités, d’autres âmes. Mais celui-ci, offert avec une telle solennité, portait en lui un poids particulier, une histoire silencieuse qui résonnait au-delà des mots inscrits sur ses pages.
Le jeune prince leva les yeux du livre, le tenant toujours avec une précaution affectueuse, comme si le laisser s’éloigner de lui n’était pas une option. Un sourire léger éclaira ses lèvres, mais ses yeux trahissaient une profondeur que son visage habituellement enjoué dissimulait à peine. "Madame, je suis honoré par ce présent." Dit-il avec une gravité rare, ses yeux dorés ancrés dans ceux de son interlocutrice. "C'est là un trésor que je chérirai avec toute la dévotion qu’il mérite."
Tout en maintenant le recueil contre lui, son esprit se tiraillait entre la reconnaissance qu’il éprouvait et la résolution qu’il sentait grandir en lui. La proposition de Sakuya, bien qu’exprimée avec courtoisie et finesse, n’était rien d’autre qu’une tentative de le protéger, de le tenir à l’écart de ce qu’elle jugeait être un risque inutile pour un prince. Cependant, Adrian n’était pas homme à se laisser guider uniquement par les conventions. La soif d’aventure, ce désir profond de se confronter à l’inconnu, pulsait dans ses veines depuis toujours, le poussant à franchir des frontières que d’autres auraient respectées.
"Toutefois, je ne saurais accepter que vous affrontiez cette épreuve seule." Déclara-t-il avec une conviction qu’il enveloppa de légèreté, son ton à la fois respectueux et déterminé. "Si des vêtements plus adaptés sont requis, alors je m’en remettrai à votre jugement."
Un sourire plus franc éclaira alors son visage, dissipant l’ombre de sérieux qui l’avait traversé un instant. La lumière douce de la pièce, filtrant à travers les voilages des hublots, enveloppait son visage d’un halo chaleureux. Malgré son rang et les responsabilités qui l’accompagnaient, Adrian conservait cette candeur, cette manière de voir le monde avec des yeux neufs, comme un enfant face à une aventure dont il ignore encore les contours. C’était là l’une de ses forces, une qualité que beaucoup prenaient pour de la naïveté, mais qui était en réalité une ouverture d’esprit, une capacité à s’émerveiller là où d’autres ne verraient qu’une tâche à accomplir.
"Quant aux passages secrets et autres subterfuges… disons simplement que j’ai quelques talents pour me fondre dans l’ombre lorsque cela est nécessaire. Mais j’ai toujours trouvé que les distractions, quand elles sont bien orchestrées, valent mieux que n’importe quel détour caché. Une leçon apprise non pas dans les traités de guerre, mais dans les récits que j’écoutais, enfant, assis aux pieds des conteurs."
Il prononça ces mots avec une légèreté étudiée, comme s’il se jouait des périls à venir, comme si tout cela n’était qu’un jeu. Et en un sens, c’était ainsi qu’il percevait le monde – un vaste échiquier où chaque mouvement pouvait être envisagé sous l’angle de la stratégie ou de l’amusement, mais où l’amusement prenait souvent le pas sur tout le reste. Cette manière d’aborder les situations, ce refus de se laisser alourdir par la gravité des circonstances, le rendait probablement unique parmi ceux de son rang.
Il prit une respiration, savourant l’instant, avant de poursuivre d’une voix plus douce, presque complice : "Ne vous inquiétez pas pour moi, Madame. Je n’attends pas de traitement de faveur. Considérez-moi simplement comme un compagnon de route, un allié temporaire. Ensemble, nous pourrons résoudre cette affaire et ce, sans le poids inutile des titres ou des convenances."
Il laissa ces paroles s’épanouir dans l’air, en savourant chaque nuance, chaque silence qui s’installait après ses mots. Adrian savait qu’il franchissait une ligne, qu’il s’engageait dans un domaine où ses actions pouvaient avoir des répercussions, mais c’était là tout le sel de l’aventure, cette part d’incertitude qui, loin de l’effrayer, le galvanisait.
Son esprit vagabonda un instant vers les histoires de chevaliers errants et de princes déguisés qu’il avait tant aimées dans son enfance. Combien de fois avait-il rêvé de quitter la rigidité des palais pour s’élancer dans des quêtes incertaines, vêtu d’habits simples, inconnu de tous, seulement guidé par son courage et sa curiosité ? Cette mission, si elle pouvait être qualifiée ainsi, lui apparaissait comme l’occasion idéale de mettre en pratique ces rêveries d’enfant. Il se surprenait à espérer que cette aventure lui offrirait l’opportunité d’éprouver ces convictions, de les vivre pleinement.
Revenant au présent, il laissa son regard parcourir la pièce, appréciant chaque détail, chaque objet disposé avec un soin qui révélait une certaine sensibilité esthétique. Puis il se redressa, sa décision fermement ancrée en lui.
"Pour ce qui est des tenues insulaires..." Entonna-t-il finalement, un éclat d’amusement dans les yeux. "...Je suis curieux de voir à quoi je ressemblerai dans les vêtements de votre archipel. Peut-être pourrait-ce même inspirer une nouvelle mode à la cour de mon royaume. Qu’en pensez-vous ?"
Adrian sourit, un sourire large et sincère, teinté de cette insouciance qui lui était propre. Il s’imaginait déjà vêtu de ces atours exotiques, marchant à travers des ruelles inconnues, se fondant parmi les gens du peuple, en quête de cette aventure qu’il recherchait tant. C’était là, dans ces moments d’anticipation, qu’il se sentait le plus vivant, le plus en phase avec lui-même.
Mais au-delà de la légèreté de ses mots et de son sourire, une autre pensée se fit jour en lui, plus profonde, plus ancrée dans les principes qu’il avait intégrés dès son plus jeune âge. Les fondements de son éducation reposaient sur des valeurs chevaleresques et pour lui, la parole donnée était sacrée. Il savait que son engagement envers Sakuya, aussi impulsif et naïf puisse-t-il paraître, ne pouvait être renié sans trahir ces valeurs.
La voix de son père, grave et solennelle, résonnait encore dans son esprit, lui rappelant les leçons apprises au fil des ans : « Un prince ne doit jamais reculer devant une promesse, Adrian. Qu’elle soit faite à un roi ou à un simple paysan, elle a la même valeur. » Ainsi, pour Adrian, il ne s’agissait plus seulement d’une quête aventureuse, mais d’un devoir. Sa décision était prise et il la savait irrévocable.
Le prince héritier s’inclina légèrement, un geste emprunt de la courtoisie qui caractérisait son rang, avant de redresser fièrement la tête. "Madame, je vous ai donné ma parole et je ne reviendrai pas dessus. Quelle que soit la nature de votre mission, je vous accompagnerai jusqu’au bout. Les vêtements, les conditions, tout cela importe peu tant que mon engagement est respecté. Je suis prêt à affronter les épreuves qui nous attendent, avec la même détermination que si je me lançais dans une bataille au nom de mon royaume."
Il marqua une pause, laissant ses mots s’ancrer dans le silence qui suivit. Puis, avec une simplicité désarmante, il ajouta : "Après tout, chaque défi est une occasion de prouver sa valeur, non ?"
Un nouveau sourire étira ses lèvres alors qu'il se tenait là, droit et déterminé, prêt à se lancer dans l’inconnu avec la même ardeur que les héros des contes de son enfance. Il savait que cette nuit serait décisive, non seulement pour la réussite de la mission, mais aussi pour lui-même. Il ne s’agissait plus simplement de prouver sa valeur à Sakuya, mais de rester fidèle à lui-même, à ses principes, et à la promesse qu’il avait faite.
Il inspira profondément, sentant l’air frais emplir ses poumons, puis expira lentement, apaisé par la résolution qu’il avait prise. Les vêtements, les dangers, les imprévus, tout cela n’était que des détails. Ce qui comptait vraiment, c’était l’honneur, la loyauté et l’accomplissement de la promesse faite.
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Bien qu’elle accorde une importance toute particulière à l’ouvrage rédigé par sa mère, la Princesse n’imaginait pas voir le dauphin de Meridiem faire montre d’un intérêt si solennel pour ce présent. Face au Prince cérémoniel, le rictus affiché par l’insulaire se veut à la fois circonstanciel et reconnaissant. La jeune femme en vient à se dire que l’ouvrage ne saurait être plus choyé qu’entre ces mains à moitié elfiques. Cependant, elle attendait surtout la réponse du porteur d’œil Astro quant à la suite de leur aventure. Au rythme des craquements de bois qu’elle devinait être certains de ses subalternes regagnant leurs quartiers, cette réponse la frappa soudain. Les reflets d’or qui la scrutaient s’étaient renforcés, laissant transparaître une détermination qu’il ne se laisserait pas arracher. Sakuya se serait presque attendue à être brimée, en sa qualité de servante Princière, après avoir tenté de materner ce futur héritier qui n’était visiblement pas dupe. C’est pourquoi, avant de reprendre la parole, la posture de la demoiselle se ferait plus humble, témoignant passivement du regret qu’elle éprouvait.
En revanche, elle ne s’attendait pas à voir le jeune homme enclin à s’essayer à la mode de l’archipel, soit-ce par obligation qu’on lui eut imposé. La demoiselle sentit enfin l’atmosphère se la loge s’apaiser lorsque le visage d’Adrian retrouva un sourire non feint, souligné par la luminosité filtrant à travers l’unique fenêtre. Cela rassura la Kuroïte sur le fait qu’il ne lui est pas tenu rigueur de son précédent manquement. Et le Meridien, visiblement décidé à radoucir l’atmosphère, se fendit à demi-mot d’une confession plus personnelle.
Mangetsu
« Je présume que cette excursion en aéronef ne soit ni la première, ni la dernière fois que vous mettez la soldatesque de votre père en émoi. Le récit de vos escapades doit sans doute être plus captivant encore que les histoires contenues dans le recueil. Vous n’avez jamais pensé à en faire vos propres écrits ? Tout cela serait bénéfique pour les jeunes gens qui, immanquablement, écouteront un jour les histoires pleines d’inventivité dont vous serez le conteur. »
Sakuya s’imagine surtout, dans un futur lointain, le Prince devenu Roi dispenser sa propre espièglerie aux enfants qui revendiqueraient alors le titre de Princes de Meridiem. Hors, c’est ici le présent qu’elle doit l’aider à préparer. Plus précisément, il lui faut songer à la manière de rendre Adrian méconnaissable aux yeux de ses pairs, soient-ils malfamés comme les voleurs que leur binôme s’apprête a confronter. Sa facette servile s’atténuera en conséquence, laissant davantage filtrer du véritable tempérament de la régente du navire tandis qu’elle jaugeait de la stature du futur souverain. Meridien, demi-elfe de surcroît, l’habiller avec ce qui se trouvait à portée de main relevait a priori du casse-tête. La Kuroïte possédait heureusement quelques tenues à la longueur suffisante pour qu’Adrian puisse s’en vêtir et faire illusion, dans une gamme de couleurs qui devrait être à même de le satisfaire au-delà de l’obligation. La bretteuse indique courtoisement l’arrière de son paravent, ou repose l’essentiel de ses habits, en incitant le jeune homme à s’y diriger avec elle. S’offrira alors au regard du semi-elfe un impressionnant éventail de kimonos traditionnels dont ceux a sa taille varient du mauve au rubis en passant par nombre de teintes conformes aux sept couleurs de l’arc-en-ciel, signe d’un amour des couleurs pouvant clairement passer pour une coquetterie excessive. Le tissu les composant avait beau être simple en apparence, sa douceur comme sa senteur témoignaient du soin tout particulier qui y fut apporté tant dans la confection que dans leur entretien. Adrian sera ainsi laissé libre de se changer tandis que la Princesse l’invitera à se vêtir de nouveau du couvre-chef une fois à l’extérieur. De son côté, la demoiselle mis ce temps à profit pour rassembler quelques objets qui, s’ils les acceptent, lui seront essentiels. Une fois son compagnon de mésaventure apprêté, l’insulaire lui fera face, soucieuse de régler un dernier détail qui lui tenait à cœur. Pour ce faire, elle s’inclinera de nouveau face à lui, yeux clos et mains jointes.
Mangetsu
« Je ne me suis pas platement excusée pour avoir voulu vous épargner cette affaire qui vous concerne autant que moi. Sachez que votre attitude vous honore et que je l’admire d’autant plus qu’elle me rappelle les valeurs autrefois chères à ma patrie, lorsque la morale prévalait encore sur l’argent. Pour cela et parce que vous avez fait nombre de concessions jusqu’à présent, il serait injuste que je vous refuse de m’accompagner. »
En avait-elle seulement le pouvoir ? La volonté, même ? Non pas qu’elle imagine avoir besoin d’aide pour rappeler de vulgaires bandits a l’ordre, mais le fait qu’ils aient réussi à déjouer la vigilance de l’équipage l’interroge toujours. Avoir un compagnon n’est donc pas de refus, surtout lorsque Sakuya le présume connaître le terrain au moins aussi bien que les coupables recherchés.
Mangetsu
« Toutefois, Prince Héritier.. sentez-vous libre de n’utiliser que mon prénom pour vous adresser a moi. De plus, nous ne savons pas encore à quoi nous allons nous confronter alors… daignerez-vous accepter ce modeste armement ? »
Rassemblés sur le bureau servant de table artistique, reposaient tous les projectiles constituant l’armement consommable d’un ninja. Appuyé contre ce même bureau reposait l’un des sabres de la collection de Sakuya dont Adrian était libre de se saisir ou non. Outre la nécessité qu’elle perçoit dans la possession de ce matériel, la jeune femme avait surtout pris pour acquis que l’héritier sache utiliser tout cela sans même lui demander. Enfin, lorsqu’elle le jugerait apte à faire illusion -non sans avoir pris soin de réajuster elle-même ses vêtements-, la jeune femme inviterait le blond à la suivre, profitant d’un moment d’accalmie à bord pour qu’Adrian ne soit pas remarqué de ses subalternes. Parvenue sur le pont, la Princesse se figera un instant, souhaitant s’assurer du départ des gardes sur le quai uniquement pour constater qu’ils y étaient à la fois plus nombreux et toujours occupés a évaluer les lames commercées à la hâte. D’un échange de regard avec son homologue, la Kuroïte décidera de ne pas s’en soucier et de quitter l’embarcation pour le passage secret tout en priant pour ne pas être remarqués. Un exercice aussi banal que complexe dans une foule disparate, poussant l’insulaire a laisser le natif la précéder afin de masquer l’essentiel de sa présence. jusqu’à ce que leur binôme s’engouffre de nouveau dans le tunnel. Instinctivement, la Kuroîte se souviendra de la quantité de traces de pas semblant s’arrêter devant le mur et dirigera son homologue jusqu’à l’endroit où un mécanisme similaire a ceux déjà utilisés se trouve. Surprise de l’agencement des lieux, la demoiselle laissera finalement le soin à Adrian d’ouvrir la voie vers l’intérieur, une vague étincelle d’émoi dans le regard.
Mangetsu
« Êtes-vous prêt pour ce saut dans l’inconnu, mon cher ? »