Les raisons qui l'avaient conduite à emprunter un raccourci pour ne pas manquer son audience avec le Roi n'avaient pas été développées. Il aurait peut-être fallu étoffer la motivation qui avait poussé le démon carmin à prendre ce chemin que toutes les caravanes semblaient pourtant éviter.

N'étant pas originaire de la région, Lord Bluthund avait du mal à comprendre pourquoi les panneaux de certaines croisées étaient brisés, ne laissant qu'une voie le long de la côte, rallongeant ainsi d'une semaine le trajet jusqu'à la capitale...

Pourtant, les bois qui s'étendaient sur sa gauche semblaient charmants, bien que quelques ivrognes aient raconté que des fous s'y perdaient parfois après une soirée bien arrosée. Le démon arqua un sourcil interrogateur face à cette information. Pour lui, les bois pouvaient être dangereux, mais cela ne différait en rien de ce qu'il connaissait d'Halogia.

Sans perdre davantage de temps dans une réflexion qui ne dura pas plus d'une seconde, Astaroth tira légèrement sur les rênes pour s'engager sur le sentier de droite menant rapidement à Rivellon, celui qui passait par les Bois de l'Andaricet.

Si elle ne s'était pas trompée, quelques vauriens avaient tenté en vain d'en effacer les gravures pour y ajouter le mot "Vivant". C'était une astuce ingénieuse pour s'approprier des terres, se dit-elle, les gueux ne manquaient définitivement pas de ressources.

Ainsi, elle s'engageait dans une rapide balade nocturne pour ne pas s'éterniser davantage, le Repos de l'Automne lui manquait terriblement.

Une balade qui commença sans mal pour l'Héritière, s'engageant dans un sentier légèrement dégagé qui se traçait à travers le bois. Une brise calme rythmait son avancée, les bourrasques balayant les feuillages en des vagues incessantes séparées chacune d'une quinzaine de seconde de la précédente, déployant un mouvement hypnotique dans la cime des arbres aux feuilles ternes, donnant une sensation de respiration à tout l'édifice.

Le bois craquait fréquemment, les sons de la nature faisaient écho partout autour de l'intruse. Les rayons lunaires perçaient difficilement la densité du plafond de feuilles. Le destrier vint à s'arrêter net sans que sa cavalière ne lui en donne l'ordre.

Rien.

Pas un bruit, le temps d'un souffle. Le temps de s'en rendre compte. De se dire que tout cela était étrange. Et puis la respiration du bois reprit, le vent revint, la bourrasque balaya la chevelure mi-brune, mi-neige de la Lord. Tout allait bien, le cheval avança de nouveau au trot.

Les sabots saccageaient la route de terre qui ne se ponctuait rarement que par des racines épaisses émanant de troncs proches du sentier éprouvé par les passages. Au loin, une lueur naquit au milieu du Bois-vivant, le bruit d'un écoulement d'eau, l'éclat azur d'une rivière frappée par les rayons de l'astre lunaire s'élevèrent.

Rivière du Bois-Vivant
Veine d'Apoptosia

Là, une immense rivière bleue émanait de la forêt et la traversait calmement. Le son de l'eau qui s'écoulait vint lentement remplacer celui des arbres qui s'agitaient et un éclat céruléen luisant qui prenait naissance dans le lit aqueux se mit à tamiser les bordures du cours d'eau d'un ton apaisant.

En continuant son approche, un nouvel élément aura fait son apparition : une femme. Brune, aux oreilles d'elfe, habillée d'une robe noire, longue et au col fourré de tonnes de plumes de corvidés. La Recluse Brune contemplait son œuvre qui prenait place sous ses yeux.

Puis elle vint faire un quart de tour sur elle même, son menton traçant le reste de la rotation pour s'orienter vers Asta, posant ses yeux dorés sur la nouvelle arrivante.

Et enfin, le silence.

Le Lord Bluthund gardait le silence, le faisant régner de paire avec sa nouvelle rencontre, jaugeant avec ce qui semblait être du dédain la femme corbin qui lui faisait face. Son regard se perdait parfois vers cette curieuse rivière qui n'avait de cesse de luire dans l'obscurité. Si Asta n'était pas une érudite, elle savait reconnaître là les traces d'une ligne tellurique, mais jusqu'où pouvait bien converger celle-ci ? En levant le regard par-delà les pins les plus élevés, elle croisa le jugement céleste du Père de l'Aube, qui se perdait au-delà des nuages assombris par la nuit. Cette vision lui infligeait un châtiment oculaire semblable à celui qu'aurait un homme à fixer le soleil droit dans les yeux. Aussi elle fronça les sourcils pour boire de nouveau à travers cette source de ténèbres face à elle.

Elle descendit d'un pas lent mais serein de sa monture, la main gauche reposait gracieusement sur la garde de son épée, faisant balancer  le fourreau ainsi que la ceinture d'un frottement sur son postérieur pour en ouvrir son manteau qui reposait sur ses épaules et dévoiler ses atours.

Une façon rustre et distante de saluer en somme, à cela le Lord ajouta quelques mots.





Un rictus défigura sa moue, d'une voix claire et chantante disait-elle cela. Pourtant, un goret aurait compris qu'elle jouait la comédie. Son cheval semblait s'agiter, aussi, elle lui tapa l'arrière-train afin qu'il retourne l'attendre à l'entrée des bois, pour rester seule en compagnie de son hôte.

L'allure désinvolte de son invitée ne semblait pas particulièrement amuser la Recluse Brune, c'était en réalité tout le contraire, qu'il s'agisse d'un jeu d'acteur ou du réel. La contraction des muscles du visage de la sorcière lui donnera immédiatement l'air frustré de devoir encore s'adresser à quelqu'un qui ne lui donnera pas une once de reconnaissance. Après tout, elle lui faisait la grâce de se présenter sans artifices illusoires, de la laisser poser un œil sur son infinie beauté.





La dame se tourna face à la rivière, inspectant l'artère du monde qui luisait en son sein, faisant maturer des idées sournoises dans le creux de sa tête brune. Elle prit en effet le risque de faire dos à l'invitée, par excès de confiance ou parce qu'elle se savait en relative sécurité voire tout simplement, pas menacée.





L'elfe déposa sereinement ses mains contre son ventre, aplatissant les plis de sa robe avant de les positionner au niveau de son nombril, la première paume se joignant à la seconde pour reposer à la perpendiculaire du tissu. une posture droite et honorable pour une personne de son rang. Ses traits se radoucirent peu après.

Il était difficile de ne pas voir une volonté de mise en scène de la part de la Sorcière, soigner son entrée, c'était du pur respect envers son invité.

La louve d'ivoire avait obtenu la réponse qu'elle attendait, si elle n'était pas directement la cause de ces événements, elle en était au moins complice, puisqu'elle semblait justifier cela. Astaroth serra les paupières, les sourcils sévères et le regard strict.






Le Lord observait les lieux avec amusement, de façon conjointe son regard venait se perdre dans cette veine azurée qui colorait la gauche de l'une comme la droite de l'autre, pendant un moment face à face, jusqu'à ce qu'à ce que celle-ci lui tourne le dos.

Rapidement, le démon s'approcha pour se tenir à seulement quelques mètres de son hôte, en regardant les lieux pour ajouter...






Puis, il ne tarda pas plus d'un instant pour ajouter à cela un certain intérêt au bras tendu de la Recluse...

Elle vint l'écouter, pensait à des réponses déplaisantes à lui donner, puisqu'aujourd'hui était un jour qu'elle n'avait que moyennement apprécié. Ses humeurs dictaient généralement son comportement du quotidien, puisqu'elle pouvait se le permettre. Un fin hochement coïncidera avec la présentation du Lord, signifiant qu'elle avait bien entendu.






Elle parlait d'un ton suffisant, et ses derniers mots évoluèrent en un très faible ricanement emprunt de mépris pour le petit peuple qui osait dire tout et son contraire à propos d'elle. Oui, son refuge avalait sans retenue un certain nombre de voyageurs malchanceux, mais il était aussi vrai que la sagesse de l'elfe millénaire servait à guérir autant de maux qu'il pouvait y en avoir dans les villages se situant à proximité du Bois-vivant.






Une justification simple avant d'offrir la réponse espérée à Asta, continuant de lui faire dos sans montrer de signe de réprobation face à son approche.

La vagabonde marqua une pause aux réponses de la sorcière, emmitouflée dans son épais manteau qui dissimulait l'entièreté de ses formes généreuses pour n'en illustrer qu'une silhouette difficilement discernable à travers la pénombre. Si ce n'était pas pour son fin minois et sa voix chantante empreint d'une forme de crédulité infantile, il aurait été difficile de deviner le genre du Lord.

Elle s'apprêtait à vous répondre, montrant alors son intérêt vis-à-vis de votre proposition, pourtant, il semblait y avoir une seconde personne dans cette rencontre fortuite, quelqu'un que vous n'aviez peut-être pas invité.






Sa phrase se gonflait progressivement d'enthousiasme et d'espoir, et elle semblait réellement attirée dans votre envoûtante mélodie, jusqu'au moment où un craquement macabre résonna dans l'entièreté des bois. Sa silhouette était jusqu'à présent à gauche de vous, et si vous vous décidiez à y porter votre regard, rien n'avait changé, sinon un détail, anatomiquement troublant.


Le cou de votre interlocutrice s'était brisé pour se contorsionner dans votre direction au-delà de ce qu'il était humainement possible de le faire, et une voix soudainement plus masculine et vicieuse que la précédente vous répondit, un sourire carnassier aux lèvres.






L'invité, qui qu'il puisse être, habitait vraisemblablement le corps de votre vis-à-vis, et sa voix comme son caractère était au total opposé que ne l'était la noble qui s'était présentée à vous jusqu'à présent. Les raisons qui auraient pu pousser cet inconnu à vous connaître étaient floues, ce qui était certain en revanche, c'est que vous aviez son intérêt.

Le craquement d'os fit se retourner immédiatement la sorcière, elle pouvait certes témoigner d'une image sure d'elle même mais pouvait difficilement dissimuler son manque de compétences magiques dans les domaines mystérieux de la prémonition et de la divination. Non, un sourire ou une posture assurée était suffisante dans la majorité des cas pour affirmer la prise du destin sur quelconque créature que ce soit.

Là, ce n'était plus le cas. Une main se sera déportée en biais, des doigts écartés les uns des autres en sentant un danger approcher, prêts à invoquer certains de ses dons magiques en cas de nécessité. L'apparition démoniaque eut le don de faire monter une pointe d'adrénaline dans le creux de sa poitrine.

Au contraire de son invité, ou invitée, toujours incertaine dans ses observations, la Recluse ne cachait rien de sa féminité outrancière, et sous son souffle devenu soudainement plus lourd devant l'appréhension de la dame quant à la situation, il aurait été possible de craindre la rupture de son corset sous l'élévation de sa poitrine déjà difficilement contenue. Un cliché ambulant, cette dame.

Si l'œil lubrique put s'arrêter à ce simple constat, cela aurait bien arrangé la Recluse, mais c'était là le signe que la situation lui échappait. Qu'elle avait mal jugé le danger de l'intrus dans sa forêt, elle se sentait menacée. Et elle n'était pas là sous la forme d'une illusion. La parole assurée, la créature étant là pour parlementer, la rassura au moins légèrement.




Une explication qu'elle prit le temps de mettre en forme, d'expliquer parfois de manière détournée, à d'autres moments plus précisément, redoutant les réactions de l'être possédé.

Un commentaire supplémentaire aura été accompagné d'un ton charmeur~, une tentative incertaine de reprendre le contrôle sur la situation. A la force qu'elle sentait émaner de la créature ne pouvait elle que répondre par l'éloquence, le charme et la manipulation.

Le démon carmin avait pour habitude de prendre de haut les moindres gens qui pouvaient avoir le malheur de le croiser. Si loin du Repos de l'Automne, peu de rumeurs couraient au sujet du Clan Bluthund, peu pouvant arriver aux oreilles d'une ermite comme la Recluse, sinon la nouvelle bien trop relayée de son anéantissement des mains de clans rivaux. Ainsi, la voir ainsi possédée par cette immonde créature prenait tout son sens, il s'agissait probablement là d'une brebis ayant survécu au massacre et ayant vendu son âme pour survivre. Mais le temps n'était pas aux ressassements de la pensée, puisque le diable ne perdit pas un seul instant pour vous répondre, finissant de se dévêtir totalement de ses habits comme son manteau et son corset pour dévoiler la poitrine à nue du pantin, comme ses bras teintés d'un mal grandissant jusqu'au-delà de ses coudes.







La monstruosité avait pris la peine de pivoter le reste de son corps dans l'angle de sa tête pour attacher de nouveau le cou correctement, la peau étirée et accablée de vergetures se soignait progressivement au rythme de ses paroles. Cette scène devenait d'autant plus comique qu'elle semblait invraisemblable, avec sa voix grave et dédaigneuse qui l'animait et qui contrastait tragiquement avec son indécente féminité.






En disant cela, il fit sortir ses griffes de ses mains noircies par son feu occulte et à une vélocité folle, il porta sa main vers son propre torse pour s'arracher le coeur, hélas sa main gauche stoppa net son geste dans un craquement osseux prouvant que deux âmes s'affrontaient alors dans le même corps.






Avec sa dernière phrase, le Lord s'assoupit un instant avant de reprendre conscience pour cacher presque instinctivement sa poitrine à l'air libre d'un geste des bras. Elle reculait de quelques pas arrière, rouge comme une tomate, s'accroupissant pour reprendre ses effets, avant de vous demander avec une gêne évidente...







Elle tentait de se couvrir comme elle le pouvait sous son manteau, en proie à votre jugement. Comme auparavant, vous vous sentiez épiée par cet invité indésirable, bien qu'il se soit tût pour le moment, son regard restait là... Quelque part.

Voilà qui ne fut pas du tout la réaction attendue. A vrai dire, toute cette rencontre devenait une étrange pièce que même la sorcière n'aurait pu imaginer lors de ses rêveries, fort heureusement, le dénouement s'éloignait du registre du dramatique, du moins, pour la Recluse.

Elle était restée précautionneuse face au récit du démon, imaginait bien qu'elle tirerait de nombreux profits à marchander avec, bien que les risques que tout cela lui revienne à la figure étaient proportionnels aux gains probables.

Son regard se posa sur le corps dénudé du pantin, ce n'était clairement pas la première farouche qu'elle voyait nue de son existence, son regard ne cilla même pas devant la rupture nette à la bienséance qui prit lieu dans son Bois-vivant. Avait t-elle de toute façon déjà tout vu, et de tous, les couples amoureux voulant se faire une frayeur étaient les pires violant la tranquillité de son refuge.






La Recluse fera l'effort de se rapprocher de la dame se tenant ainsi misérablement face à elle, ses mains plus détendues s'occuperont d'aller ramener la veste d'Asta plus proprement sur ses épaules, dans le cas où ce fut déjà fait, ce sera en ajustant son col et en voguant du plat d'une main contre les plis de la tenue pour les chasser d'un geste maternel typique.






Évidemment, faire appel à son désir de devenir le prochain divin ne la laissa pas de marbre. Cela n'était cependant pas une mince affaire, dans sa folie, la Recluse avait déjà un plan magistral qui prendrait du temps à se mettre en place. Et le danger de tisser des liens avec un être aussi extravaguant et prompt à attirer les regards que le démon ne lui donnait pas la meilleure impression.






Un dernier geste sera offert, qui pouvait être repoussé ou refusé, à la fille perdue dans tous ses états. La caresse tendre du dos des doigts de sa dextre s'en ira couler contre la joue d'Asta, ce contact paraitra nettement plus apaisant qu'il devrait l'être normalement, frôlant l'intime tant il était improbable de n'avoir que la sensation d'une présence réconfortante à l'esprit.

C'était la preuve d'un artifice d'illusion à l'œuvre, au contact rapproché, les pouvoirs de la Sorcière étaient tout particulièrement puissants, mais ce sort n'avait qu'un but majeur : faire taire le démon temporairement, le forcer à sonner la retraite face à la volonté du pantin de chair.

Elle voulait profiter de l'écoute de chacun des partis sans que l'autre ne le parasite. Elle attendra alors sa réponse, plongeant son regard d'or dans celui de son invitée.

Le démon, si véhément, et dans tout son orgueil, se fit alors taire temporairement par le sortilège de la Recluse au moment de sa caresse. De cette action, une peur viscérale pouvait alors découler de l'épigastre de l'ensorceleuse, comme une sensation que "bien qu'il soit mis hors d'état de nuire, cet acte ne restera pas impuni pour un être aussi fier que lui..." Ainsi, la pauvre Lord pouvait finalement souffler, prendre la main de son hôte, et ressentir l'apaisement escompté, quelques larmes humidifiaient alors son mascara, la dévoilant comme encore plus vulnérable qu'elle n'en avait déjà l'air...




Dit-elle alors avec une réelle sincérité couplée de ces sentiments de bonheur qu'elle n'avait pas tant l'habitude de ressentir. Avant d'ajouter avec une inquiétude revenant au galop, prenant votre main entre ses deux paumes...






Quittant le regard doré de la sorcière pour fixer la terre bavarde d'un soir nocturne, se perdant entre quelques insectes qui passaient par là elle ajouta.

La dame ne cilla pas à ce sentiment propagé par le démon, du moins, elle ne le laissa pas transparaître. Une subtile inflexion anima les traits de son visage pour faire passer l'inconfort d'un frisson traversant son échine et mettant en jeu tout le personae qu'elle prenait soin de dresser. Une illusionniste était avant tout une menteuse, une actrice, ce, avant même de parler de magie.






La Recluse laissa le temps s'égrainer pour permettre à la frêle créature sous ses yeux de respirer. Tendrement, une main se détacha pour rejoindre la joue de la belle et lui accorder une nouvelle tendresse du dos des doigts, une caresse courte. Ses dactyles auront ensuite coulé jusqu'au menton pour lui relever le visage, l'invitant ensuite à la suivre en tirant faiblement dans sa direction chacune des mains tenues.

Bosquet du Bois-vivant
Demeure de la Recluse Brune

La Brune guida ensuite la possédée à travers les bois, ce fut une marche étrangement brève qui s'en suivit, comme si le bois était assez bien agencé pour donner l'impression d'être perdu où qu'on y soit mais qu'en réalité sa superficie se voyait grandement surestimée par les artifices de la Sorcière.

Une bicoque d'aspect plus Méridienne qu'Elfe trônait au sein d'un bosquet au sol couvert de roses noires, la bâtisse étant encerclée d'arbres à la cime haute qui la dissimulait au delà des frontières du petit pays improvisé.

Le toit étant habituel pour l'architecture, il était cependant percé à de multiples endroits où l'on pouvait admirer de nombreuses branches de la couleur de l'obsidienne qui s'élançaient paisiblement vers les cieux, prenant des trajectoires peu usuelles, chaque bout de bois prenant par moments des virages à angle droit qui n'avaient que peu de sens pour une croissance naturelle.

En entrant dans la maisonnette, on admirera deux composantes principales : des bibliothèques et le tronc massif de l'arbre. Tout s'orchestrait autour de ces deux thèmes, la dame lisant visiblement beaucoup, et pour preuve, un livre était tenu ouvert avec un marque page posé contre ses pages.

C'était aussi la seule table présente sur la superficie de cinq ou six pièces tout au plus. On trouvait ailleurs le nécessaire à mener une vie convenable, un âtre où un feu brûlait calmement, du rangement et différents placards aux contenus secrets.

C'est à la table que la Recluse invitera Asta à s'installer, à l'opposé du livre, là où une chaise moins confortable servait à recevoir les gens du coin pour écouter leurs doléances. En simultané, elle installera une théière auprès du feu sur un support en métal prévu à cet effet, tirant une boite de feuilles de thé d'un coffret pour mener ses petites préparations.

Asta profitait de la visite écourtée par une sorcellerie apparente mais qui semblait secondaire au regard des événements, Astaroth lui dormait dans les méandres de son esprit. Elle retrouvait son calme au rythme de la marche, serrant contre elle son manteau avant de prendre place à l'intérieur de la masure perchée sur son tronc, elle prit place en compagnie de son hôte, plus calme et austère qu'à l'accoutumé, elle ne perdit pourtant pas une seule seconde pour retrouver sa vanité seigneuriale après seulement quelques minutes. Comme si il s'agissait là d'un lointain visage qu'une fille esseulée s'était forgé pour survivre aux froids meurtriers d'Halogia.

Se servant elle même une tasse de ses doigts noircis et percés par ses appendices cornées, une jambe croisée, elle vint humer l'infusion avant de la porter à sa gorge sans réfléchir à deux fois, voulant prouver à son interlocutrice qu'elle ne craignait pas ses tours, tout en essayant du mieux qu'elle pouvait de se reconstruire une fierté après s'être donnée en spectacle avec la venue d'un visiteur indésiré.






Elle vint porter une seconde gorgée pour s'éclaircir la gorge, prenant le temps de conter son histoire avant de reposer la tasse plus fermement. Lui rendant la balle pour transformer ce qui semblait être une langoureuse consolation à une discussion plus égale entre les deux femmes. Elle n'avait vraiment l'air de supporter sa prétendue faiblesse, un complexe d'infériorité animait peut-être le Lord ? Ainsi, elle lui demanda avec assurance ;

La Recluse avait alors suivi le mouvement de son invitée, coulant à l'abri et dans le confort de son fauteuil richement orné mais avant tout, au pinacle de l'évolution du moelleux. On la vit libérer dans un souffle discret toute l'anxiété de la journée, un brin de fatigue aussi. Chacun se retrouvait toujours plus vulnérable dans l'intimité de son foyer, et il aurait été possible d'entendre un très faible gémissement féminin ponctuer la libération de ses maux du jour, d'enfin retrouver sa merveilleuse assise.

Un clignement d'œil suffira à la faire revenir d'un regard sérieux vers Asta, se servant et se saisissant à son tour d'une tasse de thé.

La préparation vint se présenter aux narines d'abord en libérant une fragrance digne d'un parfum, et puis Asta pu en être certaine, le thé sentait abondamment la rose. Cela pu lui être inhabituel si la femme n'avait jamais auparavant gouté à une préparation plutôt portée vers le floral que le fruité.

Les premières gorgées forcèrent les arômes à se répandre en bouche comme dans le siège de l'olfaction de concert, le tout étant finement calculé, accompagné d'une finesse indiscutable et doux, très loin d'être amer mais pas tout à fait acide, un zeste de sucre s'adjoint au mélange pour offrir une dégustation de qualité.

Certainement que tous ces détails ne seraient relevables que par un palais travaillé. Pour le néophyte des infusions, on pourrait simplement de s'émerveiller que 'ça sent la rose !'.




La dame se permettra d'apporter sa tasse à ses lèvres, tirant une gorgée en accompagnant celle-ci d'un regard plein de jugement porté sur son invitée.

Le seigneur termina sa boisson d'une traite, brûlant volontairement sa gorge pour rompre avec le réconfort illusoire qu'il trouvait en compagnie de la Recluse. Cette douceur était comme une fleur empoisonnée, une torpeur trop parfaitement agencée pour ne pas éveiller les soupçons. Son regard trahissait une inquiétude croissante, et la Recluse pouvait en percevoir chaque nuance.






Elle garda une main fermement posée sur le pommeau de son arme, prête à agir à la moindre menace. Sa destination était Rivellon, et elle ne pouvait se permettre de perdre plus de temps ici. Cette rencontre devenait de plus en plus risquée pour la louve égarée dans le Bois Vivant.

Finalement, elle tourna la tête vers l'elfe et lui fit un léger signe de tête pour indiquer son départ. Ce geste pouvait être interprété comme un remerciement abrupt ou comme un au revoir grossier, selon le point de vue de chacun.